Il y a quelques jours était annoncé le Prix Albert-Tessier 2025, la plus haute distinction remise à une personne pour sa contribution remarquable au domaine du cinéma au Québec. Tënk se réjouit qu’il ait été attribué cette année à une véritable pionnière du cinéma québécois, active depuis plus de cinq décennies : Helen Doyle, dont la démarche résolument féministe et profondément humaine a toujours été célébrée sur Tënk!
Pionnière de l’art vidéo au Québec (elle a co-fondé Vidéo Femmes en 1973), réalisatrice et scénariste, elle a su faire de son engagement et de sa créativité les piliers d’un parcours remarquable et inspirant, notamment pour les jeunes générations de femmes cinéastes et vidéastes.
Cette semaine, Tënk souhaite rendre hommage à cette créatrice entière et passionnée, en vous présentant son plus récent long métrage, ainsi qu’une programmation documentaire inspirée de son oeuvre, c'est-à-dire résolument engagée, féministe, porteuse de résistance et d’espoir.
Sorti en 2024, son tout dernier projet documentaire, Au lendemain de l’odyssée, est un récit choral d’une grande pudeur consacré aux femmes nigérianes prises dans les rets de la traite en Italie. Des histoires d’accueillance (aimer accueillir) qui amènent une réflexion plus large sur la migration et l’altérité, cette véritable rencontre avec l’Autre. « Dans cette cartographie intime de vies brisées puis recomposées, Doyle fait naître un imaginaire documentaire d’une grande beauté, où chaque plan semble écouter, recueillir et respirer. Le film prend la forme d’un poème visuel, à la fois lucide et lumineux, qui transforme la douleur en présence et la mémoire en puissance de création. » écrit notre programmatrice Julia Minne, porteuse du dossier de candidature d’Helen Doyle pour le Prix Albert-Tessier.
Et pourquoi ne pas poursuivre l’exploration du travail d’Helen Doyle! Retrouvez en location sur Tënk plusieurs autres films marquants de sa filmographie : Dans un océan d’images (2013), Les mots/maux du silence (1983), Chaperons rouges (1979) ou encore Une nef... et ses sorcières (1977), oeuvre fondatrice de Vidéo Femmes dont Helen Doyle a contribué à la création.
Nouveautés de la semaine
Alors que tout récemment des manifestant·e·s autochtones bloquaient pacifiquement l’entrée du site de la COP30 à Belém, au Brésil, pour alerter sur la situation en Amazonie, cet événement souligne bien à quel point toute initiative ne peut — et ne doit — se déployer sans que les Premiers Peuples soient inclus autour de la table. Leur sagesse, leurs savoirs et leur profonde connexion au vivant doivent guider nos actions. C’est précisément ce que met en lumière Toroboro : El nombre de las plantas qui prend place 25 ans après une étude ethnobotanique majeure menée auprès des Waorani en Amazonie équatorienne. Les principaux protagonistes se retrouvent ici pour évoquer la colonisation génocidaire et les menaces actuelles pesant sur leur survie, venant notamment des industries pétrolière et forestière. Ce film nous confronte à notre propre défaillance face au vivant, et montre l'ampleur de la déconnexion moderne qui rend possible cette destruction du monde au nom du développement. Un appel urgent à un retour salvateur vers une plus grande sensibilité au vivant.
Plus au nord cette fois, mais tout aussi révélateur des impacts persistants de la colonisation, Deux fois colonisée suit le parcours d’Aaju Peter, avocate et militante inuk groenlandaise, qui défend avec détermination les droits des peuples autochtones de l’Arctique et leurs terres ancestrales. Le film explore à la fois son engagement politique, militant et juridique et sa quête profondément personnelle pour guérir ses blessures intimes. À travers son histoire, le documentaire révèle les mécanismes d’assimilation qui ont opéré, et qui opèrent encore, tant au Canada qu’au Danemark, tout en donnant chair à des réalités souvent invisibilisées. Puissant et engagé, ce film nous oblige à reconnaître la parole de celles et ceux qui portent encore les traces des multiples colonisations — d'hier comme d'aujourd’hui.
À travers les voix d’Ana, Claudia et Marinela, trois femmes latino-américaines ayant immigré au Canada, Mis dos voces de Lina Rodriguez explore avec poésie les chemins de l’immigration, de la mémoire et de la réinvention de soi. S'attardant davantage aux paroles qu'aux visages de ses protagonistes, Rodriguez leur offre un espace pour se livrer et se réinventer tout en pudeur. Elle leur permet ainsi d'aborder des thèmes aussi intimes que la violence, l’appartenance, la maternité et la réconciliation. Entre immersion dans des quotidiens ordinaires et moments de contemplation, Mis dos voces crée un véritable songe éveillé d'où émane une empathie contagieuse.
La conciliation de plusieurs voix, de plusieurs récits, est aussi au cœur de The Stone Speakers, qui nous transporte en Bosnie-Herzégovine, un pays divisé qui se remet encore de la guerre civile du début des années 90. Pour faire face à de graves enjeux économiques, de nombreuses villes se sont transformées en destinations touristiques uniques qui allient histoire, religion, politique et folklore, constituant aussi un moyen de promouvoir — et parfois d’opposer — des récits divergents sur le passé, le présent et l'avenir du pays. The Stone Speakers offre ainsi le portrait profondément texturé d’un pays vibrant d’échos.
Bonnes découvertes!