Le cinéma est né dans une perspective principalement documentaire; au sens littéral de ce qui a la valeur ou le caractère d'un document. De fait, il est intéressant de noter qu'en 1895 l'une des premières caméras de prise de vues animées se nommait le « biographe » (qui « écrit la vie »). Mais comment faire le récit de la vie d’une personne autre que soi? Comment rendre compte de ses trajectoires – affectives, professionnelles, psychologiques, géographiques – et de ses bifurcations? Comment en saisir toute la complexité, l’essence?
Cette semaine, Tënk vous propose un horizon de possibles, un florilège de démarches documentaires qui s’emparent du matériau biographique pour capter, recréer, donner à voir et à célébrer l’existence d’une foule d’êtres variés.
La cinéaste Véronique Aubouy tente une réponse aux insolubles questions du biographique à travers le brillant et novateur Je suis Annemarie Schwarzenbach. Afin de relater la vie de cette figure emblématique et sulfureuse de la fin des années 30, la cinéaste a recours à un dispositif bien particulier: le casting. À l’intérieur de ces auditions factices, les interprètes y jouent des scènes de la vie de Schwarzenbach, y reconstituent des archives, y font des jeux de rôles et parlent de leur propre existence à travers le prisme de la personnalité fascinante et ambiguë de l’écrivaine et grande voyageuse suisse. Lentement, un portrait se dessine, singulier et multiple; une figure reconstituée et collective en émerge, permettant peu à peu de bâtir une expérience d’identification à la fois subjective et organique.
L’adolescence est par définition une période de transition, perdue quelque part entre le crépuscule de l’enfance et l’aube de la vie adulte. En latin, adolescere signifie « grandir » et plus spécifiquement « celui qui est en train de grandir ». Dans Summer Nights, le réalisateur Virgile Ratelle capte avec sensibilité l’esprit de cet âge. Avec bienveillance, il saisit l’amitié, les confidences, les rêves et les errances de jeunes planchistes. Un court métrage intimiste d’une clairvoyance rafraichissante.
L’essai cinématographique ou expérimental peut offrir une perspective intéressante sur le fait biographique, car il nous dévoile de façon impressionniste – presque « de l’intérieur » – les différentes strates de temporalités, de complexités et de nuances qui composent la vie d’un individu, tout en préservant la part de mystère…
Mike Hoolboom est un artiste canadien multidisciplinaire développant sa pratique depuis le début des années 80. Cinéaste virtuose, prolifique et engagé, ses films sont empreints d’une fulgurance poétique unique en son genre. Que ce soit contre le capitalisme, les dérives de nos sociétés modernes ou l’injustice envers la communauté queer, les marginaux et les laissés-pour-compte, Hoolboom utilise le pouvoir du cinéma pour exprimer ses revendications et faire exister des êtres et des sujets historiquement invisibilisés.
Tënk vous propose une petite plongée dans son oeuvre immense via les matériaux biographiques qui l’ont inspiré!
Bon cinéma!
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