Il y a des périodes plus éprouvantes que d’autres en termes d’actualité internationale. Mais est-ce que c’est là simplement une impression? Est-ce que le monde est réellement plus agité, ou s’agit-il simplement d’une répétition continuelle? Est-ce que le cœur et l’esprit s’habituent jamais à entendre au journal télévisé de nouveaux assauts contre des civils? Des recrudescences de conflits larvés, entretenus par des décennies de haine et de déshumanisation réciproques? Est-ce là réellement le lot de l’humanité? Être témoin de cette violence fratricide? Quels instincts incompréhensibles d’annihilation et d’antihumanisme couvent derrière cette destruction en règle du vivant? Y a-t-il une issue?
Le conflit israélo-palestinien et les blessures familiales
Devant la situation terrible qui avive et embrase les plaies déjà béantes du conflit israélo-palestinien, nous avons voulu remettre de l’avant des œuvres de la cinéaste israélienne aujourd’hui établie à Montréal, Danae Elon. Fille d’un couple d’intellectuel·le·s s'étant exilé en Italie, le célèbre journaliste israëlien Amos Elon et l’ancienne agente littéraire Beth Elon, la pratique documentaire de Danae est intrinsèquement liée aux enjeux géopolitiques de la région.
« Mon travail a été consacré à ce conflit sanglant, à la recherche de moyens de comprendre, de ressentir et d'exprimer les complexités les plus profondes de la douleur qu'il a causée. » Danae Elon
Nous présentons pour la première fois, uniquement disponible en anglais, hélas (la situation nous convaincant de l’importance de montrer cette œuvre) son premier film, Another Road Home, dans lequel elle tente de retrouver l’homme qui a pris soin d’elle petite, Musa Obeidallah, un Palestinien père de 11 enfants.
« Another Road Home est un film que j'ai réalisé juste après le 11 septembre. Ce qui m'a poussée à partir à la recherche des fils de l'homme palestinien qui m'a élevée, c'est un besoin désespéré de rechercher notre humanité mutuelle. J'ai plongé dans les douleurs de l'occupation d'un point de vue profondément personnel. » Danae Elon
Œuvre résolument humaniste, le film n’hésite pourtant pas à aborder de front les contradictions de sa famille, à mettre à nu les tensions personnelles faisant écho à la complexité des rapports humains d’êtres plongés dans des conflits et des allégeances qui les dépassent. Tënk présente également P.S. Jérusalem, dans lequel on suit la réalisatrice qui retourne s’installer, malgré les avertissements de son père, dans sa ville natale avec son mari et ses deux enfants. Elle y donnera d’ailleurs naissance à son troisième fils. Cette chronique familiale donne un accès unique à la situation intenable qui oppose juifs et arabes depuis beaucoup trop longtemps. L’angle intime et familial que choisit Danae Elon offre comme un rempart contre l’horreur sociopolitique, en ramenant inlassablement l’humain au centre de ce qui, sinon, n’a que l’allure abstraite d’une une de journal, aussi intolérable que facilement ignorable.
« Ma posture personnelle en cinéma est une quête spirituelle pour trouver des réponses aux circonstances les plus tragiques et les plus douloureuses de nos vies. Je mets ma famille dans mes films pour questionner les rôles que nous avons dans les choix que nous faisons. Pour remettre en question les rôles que nous jouons dans les sociétés dans lesquelles nous sommes nés. Mais surtout, j'essaie de trouver l'espoir et de protéger ce que je comprends être notre propre humanité. » Danae Elon
Espérons que ces deux films nous ramènent tou.te.s et chacun.e dans notre humanité, surtout en ces temps troubles.
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