Qui dit cinéma canadien dit… Winnipeg Film Group. La mythique organisation, qui a notamment donné les déjantés Guy Maddin et Matthew Rankin, compte plus de 50 ans de production indépendante. Fondé en 1974 lors du Canadian Film Symposium organisé à l’Université du Manitoba par un groupe de cinéastes indépendant·e·s, il répondait à la nécessité de mutualiser les ressources de manière créative pour soutenir la production locale, alors fortement désavantagée par le système de production, de distribution et de diffusion cinématographique.
Cinquante ans de films et d’inventivité. Afin de souligner l’existence bénie de ce genre d’espace protecteur de la liberté de création, Tënk vous propose cette semaine une plongée dans l’héritage filmique du WFG à travers cinq propositions franchement réjouissantes. Quand le cinéma se ne se prend pas trop au sérieux, quand il se permet de chercher, de bricoler, d’inventer des grammaires bancales et loufoques, qui ne serviront que l’instant d’un film… alors on se prend à rêver qu’il y a encore beaucoup à inventer avec de l’image et du son… Bonne traversée winnipegoise!
Débutez votre voyage dans les rues froides et désolées de Winnipeg avec un film qui donne tout de suite le ton. Main Street Soldier est une rencontre hallucinée avec Ray LeClair, un vétéran autochtone, qui revit ses marches militaires à travers le brouillard de l'alcool dans la rue principale de Winnipeg. Le film cru, nerveux et sans fard, rappelant dans son rythme et sa fébrilité le cinéma de John Cassavetes et de Shirley Clarke, offre un portrait particulièrement poignant d'un être aux nombreuses batailles. Grâce à l'avis éclairant de l'artiste multimédia et militante denesuline et nehitho Victoria Redsun rédigé sur Tënk, le film prend une tout autre couleur, l'artiste dénonçant les biais coloniaux dans le traitement cinématographique du sujet et révélant la richesse et l'importance des récits non dévoilés par le portrait. Un exemple nécessaire de la réinterprétation constante des productions culturelles.
Continuons du côté de Saint-Boniface, au cœur d'une nuit endiablée de la plus ancienne ville francophone de l'Ouest canadien. Dans Le Métif enragé, c'est toute la vitalité et l'intensité du Manitoba francophone et métis qui se révèlent, dont la survivance entêtée témoigne encore aujourd'hui. Lors du concours de violon, le clou du spectacle du Festival du voyageur, le poète George Morrissette enflamme la salle en ponctuant sa prestation d’un poème sur l’identité métisse et la vie franco-manitobaine. Le film conserve à la fois la spécificité de ces identités culturelles et la frénésie poético-nationale qui enflammait alors les minorités du pays. Un petit film encore brûlant d'actualité sur la morosité et l'apathie des foules. Gare aux illuminateurs enflammés qui voudraient ramener le politique dans l'art populaire !
Réalisé en 1980, You Laugh Like a Duck: Children Living in Manitoba and Nova Scotia est une coproduction entre le Winnipeg Film Group et l’Atlantic Filmmakers Cooperative, tous deux fondés six ans plus tôt, en 1974. Avec des petits airs de Passe-Partout, cette chronique sensible sur l'enfance a la fraîcheur des productions de l'époque, pleine d'une naïveté candide qui laissait présager un avenir radieux. Malgré la diversité des milieux et des origines sociales et raciales, des constantes s'imposent, rappelant les essentiels du lien social : le sentiment d'appartenance, le lien à la famille, aux ami·e·s, à la communauté. Que diraient aujourd'hui ces enfants devenu·e·s parents? Qu'est devenue la communauté?
Faites-vous plaisir avec ce dessert audiovisuel : Dog Stories. Maniant l'art de la vignette et de l'anecdote, Shereen Jerrett nous offre le portrait de différents maître·sse·s de chiens qui nous gracient de leurs meilleures historiettes canines. Film généreux, drolatique et tendre, Dog Stories déclenchera assurément une envie irrépressible de partage d'anecdote chez tous les propriétaires canins dans la salle...
Un petit coup de blues? La machine à café du travail est brisée et la lourdeur de l'après-midi est en train de vous achever? Nous avons l'antidote qu'il vous faut! Un quatre minutes bien serré comme un espresso court : Cattle Call, un documentaire signé Matthew Rankin et Mike Maryniuk sur l'art des encans de bétail. Utilisant diverses techniques d'animation classiques et avant-gardistes, les cinéastes ont développé une esthétique absolument délirante, à la hauteur du talent hypnotisant de l'encanteur. Une explosion visuelle haletante !