Après un exil de 30 ans aux États-Unis et ailleurs, la cinéaste acadienne Louise Bourque est récemment revenue s’établir à Montréal. Figure stellaire du cinéma expérimental contemporain, Bourque est reconnue pour son travail de manipulation sur la pellicule (peinture, altérations, grattages, détériorations, enfouissement, etc.) et ses œuvres qui questionnent l’inconscient, l’intériorité, la mémoire, les archives et les traumas. Chacun de ses films témoigne d’une démarche approfondie dont les procédés font écho aux thématiques traitées, tout en dépassant le strict formalisme pour embrasser un langage expressif s’adressant directement aux sens et à l’inconscient.
À l'occasion de sa récente rétrospective aux RIDM, Tënk a souhaité lui rendre hommage à travers un Fragment d'une oeuvre mettant en lumière son travail expérimental qui s'aventure très souvent dans les sinueux chemins du cinéma documentaire. Bonnes découvertes!
Une cinéaste
Venue d’ailleurs, d’ici
Dont la langue
Est faite de ratures, de surimpressions
De fondus, de ralentis
De couleurs entrechoquées
Qui s’adressent à une place
Secrète
Toute petite place du corps
Cachée
Une petite porte sans serrure
Qui parfois s’entrouvre
Sans avertissement
Au détour d’une projection
Au cinéma
Sur un écran
Quand les mots achoppent
Quand les mots échappent
Quand le corps a besoin
D’une autre nourriture
Et qu’il la trouve
En lumière, en incendie
En fulgurances sonores
Un ronronnement
Le murmure d’une machine
Qui parle
Louise Bourque
Toute la semaine
Une cinéaste qu’on dit « généreuse »
Qui nous fait don
Qui nous gracie
De toutes ces choses portées
Dans sa peau
Et transformées
Par sa pensée-lumière
L’amour d’une mère
La colère d’une femme
Le sang des fleurs
Les murs de la maison
Qui se referment sur nous
L’amour et la mort
La haine grandiose
Qui ressemble à de la puissance
Quelque chose de transformé
Par cette femme-magicienne
Quelque chose qui nous apaise
Quelque chose qui nous guérit
Quelque chose qui nous enflamme
Quelque chose pour mettre le feu aux poudres
Du grenier de la maison
De l’enfance éternelle
Non pas pour tout détruire
Mais pour embraser
Ce qu’il faut pour vivre
Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk