Filmer la forêt fut pour moi une expérience tout aussi intime que politique, qui dépasse largement l’aventure cinématographique. C’était plonger dans un territoire que l’on croit connaître, mais qui ne cesse de se dérober, de résister, de surprendre. La forêt québécoise, avec ses horizons de conifères, ses bouleversements climatiques, ses habitant·e·s humain·e·s et non-humain·e·s, est apparue comme un miroir déformant de nos contradictions collectives : lieu de contemplation et de ressourcement, mais aussi théâtre de conflits politiques, économiques et sociaux.
Pendant le tournage, j’ai mesuré combien la forêt est traversée de lignes de force invisibles : l’exploitation industrielle qui gruge le territoire, les feux de 2023 qui ont révélé la fragilité de nos écosystèmes, la présence des communautés autochtones qui rappellent que ce territoire ne nous appartient pas, et la parole des citoyen·ne·s qui, depuis des décennies, dénoncent un régime forestier inéquitable. Aujourd’hui, alors que la réforme promise par le gouvernement vacille et que, parallèlement, des coupes budgétaires frappent directement le ministère de l’Environnement, la forêt devient plus que jamais un espace politique. Elle est un révélateur de notre rapport au monde, de notre incapacité à penser le long terme, mais aussi de notre potentiel de résistance.
C’est dans ce contexte que j’ai souhaité composer une programmation qui accompagne la sortie de mon plus récent film, Dans la forêt, dans le cadre du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT). L’idée n’est pas de juxtaposer des films, mais de tisser des liens, de créer une conversation entre des œuvres, des époques et des territoires. Les films que j’ai choisis partagent une même urgence : interroger le rapport entre les humain·e·s et la terre, et rappeler que l’histoire des forêts est inséparable de celle des peuples qui y vivent et qui les défendent.
C’est dans cette continuité que s’inscrit la programmation. Mobiliser, de Caroline Monnet, ouvre le dialogue en affirmant la résilience et l’ingénieuse capacité d’adaptation des peuples autochtones d’ici. Avec Kanehsatake, 270 ans de résistance, Alanis Obomsawin nous rappelle que la défense d’un territoire est aussi celle d’une dignité et d’une mémoire collective. L’erreur boréale de Richard Desjardins et Robert Monderie, toujours d’actualité, dénonce sans complaisance la gestion coloniale et destructrice de nos forêts. J’ai aussi voulu élargir le regard à d’autres territoires : L’arbre de l’authenticité de Sammy Baloji nous entraîne au Congo, où la mémoire coloniale et la forêt se rencontrent dans une réflexion sur l’histoire et l’identité. Enfin, Le seuil de la forêt nous entraîne dans une expérience sensorielle, à la fois sonore et visuelle, où la forêt devient le lieu d’une traversée entre mémoire, rêve et réalité.
Pour prolonger cette réflexion, j’ai invité des personnes dont la sensibilité et l’engagement résonnent avec ces œuvres et avec les luttes qu’elles évoquent. Chacune apporte un regard singulier sur un film : Leila Afriat, engagée auprès des communautés autochtones au Musée McCord Stewart; Barbara Caretta-Debays, éditrice chez Écosociété; Ghislain Picard, ancien chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador; et Henri Jacob, militant de longue date et cofondateur de l’Action boréale. Leurs textes offrent des perspectives plurielles — politiques, culturelles, humaines — qui enrichissent la lecture des films et nourrissent le dialogue collectif autour de la forêt.
Réunir ces films et ces voix dans une même programmation, c’est proposer un voyage qui part du Québec pour rejoindre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, tout en revenant à la même question : comment habitons-nous la forêt, et comment la forêt nous habite-t-elle en retour? Ce parcours met en lumière que les forêts, partout, sont à la fois des lieux de beauté et de conflits, des refuges et des terrains de bataille, des espaces intimes et collectifs.
Pascale Ferland Cinéaste, enseignante et programmatrice
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In the heart of a Congolese equatorial forest, the remnants of a research center dedicated to tropical agriculture reveal the weight of the colonial past and its inextricable ties to climate change. This three-part essay offers a powerful analysis of Belgium’s colonial history and its enduring consequences today.
While silence and ignorance reign supreme over our forests—and despite official assurances that our forest heritage will remain untouched—this hard-hitting documentary raises the question of our collective responsibility in the face of the destruction of a truly unique environment. The boreal forest, that immense wealth once thought inexhaustible—can we really say it’s in good hands?
_The Woodland Threshold_ takes us on an introspective journey into the heart of the Laotian forest. The film follows Dao's journey, letting her thoughts wander to the rhythm of her footsteps, venturing into the depths of her memory. Between the parks of Rennes, where she lives, and the jungles of northern Laos, we wander with her on an inner journey, where the boundary between past and present ...
Kanehsatake: 270 Years of Resistance
New product!In July 1990, a dispute over a proposed golf course to be built on Kanien’kéhaka (Mohawk) lands in Oka, Quebec, set the stage for a historic confrontation that would grab international headlines and sear itself into the Canadian consciousness. Director Alanis Obomsawin—at times with a small crew, at times alone—spent 78 days behind Kanien’kéhaka lines filming the armed standoff between protesto...
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