14 paintings

À Dafen, il n’y a pas si longtemps encore, plus de 8 000 artistes peintres s’affairaient à reproduire, de manière presque indétectable, les oeuvres de grands maîtres européens tels Van Gogh et Léonard de Vinci. À son apogée, le village était responsable de 75 % des reproductions de peintures à l'huile à travers le monde. Mais la crise financière de 2008 ainsi qu’un changement des tendances décoratives modernes vers des styles plus minimalistes auront raison de cette industrie, réduisant de façon considérable la demande étrangère en l’espace de quelques années. En réponse à ce déclin, le gouvernement chinois entreprit de revitaliser Dafen en transformant le village en un véritable incubateur d'art original. 14 Paintings s’inscrit dans l’après-coup de ces bouleversements.

Profondément révélateur de par la simplicité de son dispositif, le film de Dongnan Chen propose, à travers l’observation d’une poignée de tableaux tendus comme des miroirs, une brève incursion dans la complexité de la société chinoise contemporaine tiraillée entre tradition, modernité et injonctions économiques. Par une série de plans fixes au cadrage d’une remarquable précision, Chen filme ces œuvres originales dans leurs nouveaux — et parfois étonnants! — lieux d’exposition, et les met en dialogue avec des bribes de témoignages d’artistes, oscillant entre espoir et désillusions. Ainsi, le film ouvre sur des questions beaucoup plus vastes liées à l’art et à la création, notamment les tensions entre authenticité artistique et impératifs du marché. Il nous rappelle que l’art, même « original », n’est jamais exempt de compromis — surtout lorsqu’il s’insère dans un système régi par des logiques marchandes. 14 Paintings interroge habilement ce qu’il reste d’artistique quand la création devient production et ce qu’il reste d’humanité quand l’artiste devient simple exécutant.

Jason Burnham
Responsable éditorial de Tënk