Portraits-robots

Portraits-robots; une incursion dans l'univers de l'intelligence artificielle

Une incursion dans l'univers de l'intelligence artificielle

Jusqu’au 15 octobre, l’Espace ONF à Montréal présente en première nord-américaine l’expérience en réalité virtuelle CHOM5KY vs CHOMSKY : une curieuse conversation sur l’intelligence artificielle.

Aujourd’hui, l’IA est partout, du retoucheur de photos de notre téléphone intelligent jusqu’à l’assistant virtuel de notre cuisine. Elle nous aide à garer des voitures, est employée pour optimiser l’arrosage de terres agricoles et promet des services personnalisés de conversation humain-machine. Mais qui est véritablement cette « amie » avec qui nous entretenons des liens si intimes ?

L’expérience immersive, coproduite par l’Office national du film du Canada et Schnelle Bunte Bilder, écrite et créée par Sandra Rodriguez, propose une conversation avec une entité d’intelligence artificielle pour mieux la comprendre. Construite à partir des traces numériques du célèbre linguiste Noam Chomsky, celle-ci explore les potentialités et les limites de l’IA. Mais l’expérience nous invite surtout à une réflexion plus profonde : si notre avenir passe nécessairement par l’IA, nous devons tous et toutes pouvoir faire partie de la conversation. Quel genre de pratiques souhaitons-nous reproduire ? Comment intégrer l’IA dans un itinéraire qui respecte notre libre arbitre ? Et que sommes-nous prêts à mettre de côté pour parvenir à destination ?

Alors que l'intelligence artificielle générative fait des bonds de géant, notamment avec ChatGPT, OpenAI, ou MidJourney, que des sommités telles que Yoshua Bengio tirent la sonnette d'alarme face aux risques que ces avancées exponentielles représentent pour l'humanité, ces questionnements gagnent en pertinence... et en urgence. Il est souvent nécessaire de regarder d’où l’on vient avec un regard renouvelé pour façonner l’avenir. L’histoire a tendance à se répéter… Heureusement, on peut encore compter sur l'acuité des artistes pour voir venir les choses, et peut-être mieux y faire face.

Au cours des dernières années, un nombre grandissant de créateur·trice·s ont approché le studio interactif de l’ONF pour utiliser l'intelligence artificielle comme outil de création, mais aussi comme miroir pour questionner notre propre humanité. De ces impulsions créatives est né le besoin de s’allier à des chercheur·e·s et des scientifiques des données pour naviguer au sein de ces nouveaux possibles narratifs parfois très complexes à déchiffrer. J’ai eu envie d'en interpeller quatre d’entre eux afin de bénéficier de leurs regards informés, critiques et concernés sur une sélection de quatre films questionnant notre rapport trouble aux technologies.

Olivier Blais, scientifique des données et associé chez Moov.ai, nous a accompagnés dans la création de notre agent de conversation CHOM5KY. Il réagit ici, dans le cadre de l’escale, au film belge L’année du robot de Yves Gellie. Cette œuvre touchante au dispositif minimal – on y suit les interactions entre des personnes âgées, parfois atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démence et de jeunes adultes autistes ou souffrant de troubles neurologiques avec NAO, robot humanoïde – bouscule les a priori face aux robots. Serait-il possible d’être touché·e, soigné·e, entendu·e et reconnu·e par une machine? Quelle incidence ces interactions humains-machines auront-elles sur la qualité du lien dont l’importance prédomine en soin?

Kory Mathewson, chercheur scientifique principal chez Google DeepMind, qui avait collaboré au studio dans le cadre du projet La mélodie du rire, a été pris à partie pour réagir au film Instructions for Robots du cinéaste expérimental Mike Hoolboom. On y croise des robots sensibles nous livrant de troublants secrets. Incursion dans la psyché inquiétante – parce que trop familière? – de créatures machiniques qui pourraient peupler nos demains, ce film visionnaire rappelle encore une fois les intuitions éclairées des artistes.

Lyse Langlois, directrice de l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA) avec qui nous partageons le même désir de susciter une réflexion sur les questions éthiques soulevées par l’IA. Dans le cadre de l’escale, elle s’est penchée sur l’œuvre de la cinéaste torontoise Ann Shin, qui plonge avec stupeur et fascination dans les dernières avancées d’un monde transhumaniste avec son glaçant A.rtificial I.mmortality.

Finalement, Gauthier Gidel, chercheur associé au Mila, et également collaborateur sur La mélodie du rire, nous livre ses connaissances précieuses sur le projet AlphaGo, une expérience sans précédent qui visait à développer DeepMind, un robot intelligent joueur de go. Dans le documentaire du même nom, on suit le combat haletant de la machine contre le meilleur joueur du jeu de go au monde, Lee Sedol.

L’IA nous réserve encore des développements insoupçonnés. Saurons-nous faire face à ses défis avec la clairvoyance que cela nécessite? Rappelons-nous que nous sommes toutes et tous concerné·e·s.