Peut-on reproduire l’esprit humain de manière artificielle et ainsi devenir immortel? La réalisatrice Ann Shin entreprend un voyage explorant les dernières avancées en matière d’IA et de biotechnologie, avec des scientifiques qui entrevoient un monde « post-biologique ». Les recherches actuelles peuvent-elles dépasser la science-fiction?
Réalisateur | Ann Shin |
Acteur | Marie-Pier Gauthier (ONF) |
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Vivre éternellement et considérer la mort comme une option grâce aux prouesses technologiques, tel est le thème exploré par la réalisatrice Anne Shin dans son film documentaire A.rtifical I.mmortality. Pour certains, prolonger la vie en échappant à sa condition aliénante de détérioration corporelle n’est pas une utopie, mais une réalité en devenir. Pour les transhumanistes, la conception de l’être humain s’inscrit dans un paradigme où la technologie peut transformer la personne en post-humain, l’optimiser dans ses capacités et la débarrasser des limites de son enveloppe corporelle. Les prouesses de l’IA viendraient ainsi transcender la condition humaine vers cette quête d’une existence infinie. Affirmer que l’âme est une donnée et que l’être humain doit s’adapter à la technologie sous peine de disparaitre est un itinéraire conceptuel quelque peu raccourci faisant fi de la grande richesse des travaux en sciences humaines et sociales.
Le film met en évidence le discours technicien qui démontre qu’il est possible de calculer et rationaliser la personne en vue de la réduire en pures informations prenant la forme d’une suite de 1 et de 0, capturant ainsi son essence dans un avatar. Cela soulève une question philosophique importante : comment formuler la prochaine étape de l’évolution de la civilisation humaine sans remettre en question les différentes approches qui traversent le paradigme technologique? Les intentions de ces différents courants – le mouvement Terasem, la singularité technologique, le long-termisme, le transhumanisme, etc. – sont difficiles à saisir, se contredisent parfois et s’inscrivent souvent sous le signe de la peur ou de la promesse. Est-ce qu'on voit là l'émergence d’une nouvelle religiosité de notre époque, une nouvelle voie de salut? Ce film a le mérite de questionner la nécessité d’ouvrir le débat sur le sens même de la nature humaine de même que sur notre incapacité à assumer la mort.
Lyse Langlois
Directrice générale
Observatoire international sur les impacts sociétaux
de l’intelligence artificielle et du numérique (OBVIA)
Références
BESNIER, J-M. 2013. «L'utopie d'un posthumain ». Dans E. Letonturier (dir.), Les utopies. Paris : CNRS Éditions, 131-147.
FAUVEL, G. 2015. «Les utopies du posthumain ou l'avènement des sociétés oublieuses». Sociétés, 3(129), 49-61.
HOFSTADTER, D. 2006. « Le médium cerveau est-il remplaçable? La loi de Moore, l'intelligence artificielle et le destin de l'humanité ». Médium, 4(9), 3-23
LAFONTAINE, C. 2008b. « La condition postmortelle. Du déni de la mort à la quête d'une vie sans fin». Études, 10(409), 327-335.
Vivre éternellement et considérer la mort comme une option grâce aux prouesses technologiques, tel est le thème exploré par la réalisatrice Anne Shin dans son film documentaire A.rtifical I.mmortality. Pour certains, prolonger la vie en échappant à sa condition aliénante de détérioration corporelle n’est pas une utopie, mais une réalité en devenir. Pour les transhumanistes, la conception de l’être humain s’inscrit dans un paradigme où la technologie peut transformer la personne en post-humain, l’optimiser dans ses capacités et la débarrasser des limites de son enveloppe corporelle. Les prouesses de l’IA viendraient ainsi transcender la condition humaine vers cette quête d’une existence infinie. Affirmer que l’âme est une donnée et que l’être humain doit s’adapter à la technologie sous peine de disparaitre est un itinéraire conceptuel quelque peu raccourci faisant fi de la grande richesse des travaux en sciences humaines et sociales.
Le film met en évidence le discours technicien qui démontre qu’il est possible de calculer et rationaliser la personne en vue de la réduire en pures informations prenant la forme d’une suite de 1 et de 0, capturant ainsi son essence dans un avatar. Cela soulève une question philosophique importante : comment formuler la prochaine étape de l’évolution de la civilisation humaine sans remettre en question les différentes approches qui traversent le paradigme technologique? Les intentions de ces différents courants – le mouvement Terasem, la singularité technologique, le long-termisme, le transhumanisme, etc. – sont difficiles à saisir, se contredisent parfois et s’inscrivent souvent sous le signe de la peur ou de la promesse. Est-ce qu'on voit là l'émergence d’une nouvelle religiosité de notre époque, une nouvelle voie de salut? Ce film a le mérite de questionner la nécessité d’ouvrir le débat sur le sens même de la nature humaine de même que sur notre incapacité à assumer la mort.
Lyse Langlois
Directrice générale
Observatoire international sur les impacts sociétaux
de l’intelligence artificielle et du numérique (OBVIA)
Références
BESNIER, J-M. 2013. «L'utopie d'un posthumain ». Dans E. Letonturier (dir.), Les utopies. Paris : CNRS Éditions, 131-147.
FAUVEL, G. 2015. «Les utopies du posthumain ou l'avènement des sociétés oublieuses». Sociétés, 3(129), 49-61.
HOFSTADTER, D. 2006. « Le médium cerveau est-il remplaçable? La loi de Moore, l'intelligence artificielle et le destin de l'humanité ». Médium, 4(9), 3-23
LAFONTAINE, C. 2008b. « La condition postmortelle. Du déni de la mort à la quête d'une vie sans fin». Études, 10(409), 327-335.
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