Sarah Maldoror ou la nostalgie de l'utopie

La figure de Maldoror est absolument improbable. Une réalisatrice noire, née d’un père guadeloupéen et d’une mère gersoise, se nommant d’après le poète surréaliste Lautréamont. D’abord actrice aux ambitions de tragédienne, à l’origine de la troupe Les Griots, première troupe noire à Paris, elle devient « filmeuse » en allant suivre une formation en cinéma à Moscou. Camarade de lutte des grandes figures de l’anticolonialisme, d’Aimée Césaire à Frantz Fanon en passant par Richard Wright, elle porte et nourrit son regard à l’aune des grands courants du siècle; le surréalisme, la négritude, le panafricanisme, le communisme.

C’est une figure politique comme il semble y en avoir de moins en moins; tirant sa force et sa révolte d’une immense foi en l’humanité et en la nécessaire solidarité, refusant d’abandonner le combat, malgré les horreurs des régimes coloniaux et du racisme. Prenant part, inlassablement, à la nécessité de témoigner, de partager, de faire voir à d’autres l’inadmissible caché. Sarah Maldoror est décédée en 2020 des suites de la COVID-19, et son œuvre colossale composée d’une quarantaine de films commence tout juste à faire l’objet de vaste rétrospective (Palais de Tokyo en 2021) et de restaurations. Elle nous éclairera assurément dans les vicissitudes des luttes à venir.
 

Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk