Tourné dans sa ville natale, à Roubaix, L'aimée est la seconde incursion de Desplechin dans la veine documentaire. La maison familiale, sur le point d'être vendue, est le théâtre d'adieux à l'occasion desquels le cinéaste retrouve son père. Attablé sous la tonnelle, celui-ci raconte à son fils l'histoire de Thérèse, la grand-mère. Par bribes de mots, à l'aide de photographies et de correspondances de l'époque, une étrange trinité se reconstitue, faisant ainsi revivre pour un temps l'esprit de cette aimée qu'ils n'ont pas connue. Portrait d'une absence et en même temps autoportrait du réalisateur, L'aimée emprunte subtilement à l'histoire du cinéma ses références et ses mythes. Un film à la facture romanesque inattendue qui cristallise les thématiques chères à Desplechin et qui éclaire toute l'œuvre du réalisateur.
Réalisateur | Arnaud Desplechin |
Acteur | Claire Valade |
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Parcourue par cette tension romanesque et lyrique qu’Arnaud Desplechin cultive d’un film à l’autre, avec ses travellings dans Roubaix portés par la musique de Vertigo et ses cadrages volontairement distants, comme si on écoutait aux portes, L’aimée enchevêtre les récits comme seul lui sait le faire. Il met en scène au premier plan son rapport à sa famille et à ses disparues par l’entremise de cette maison familiale, sur le point d’être vidée, et d’un portrait de femme aimée, celui de sa grand-mère paternelle décédée trop jeune pour que même son propre fils, le père du cinéaste, en ait conservé un seul souvenir direct. Pourtant, en ouverture, Desplechin, narrateur méthodique, nous parlait clairement d’une autre aimée disparue, beaucoup plus récente, dont le visage lui échappe déjà. Il ne la nommera jamais, mais sa présence flottera tout au long du récit, en filigrane, teintant notre réception des autres passages narratifs, tirés ceux-là des divers écrits laissés par la défunte grand-mère. Alors qu’il discute avec son père de ces bribes de vie éparses, essayant de reconstituer une histoire qui est au moins en partie la sienne, il apparaît clair que le jeu de la mémoire, appuyé uniquement par un assemblage de souvenirs de seconde main et d’impressions glanées au fil de photos et de correspondances, façonne un portrait flou de la disparue et de la vie de ses proches — portrait pourtant étrangement réconfortant pour les vivants. Finalement, est-ce bien important d’être sûrs de nos souvenirs?
Claire Valade
Critique et programmatrice
Parcourue par cette tension romanesque et lyrique qu’Arnaud Desplechin cultive d’un film à l’autre, avec ses travellings dans Roubaix portés par la musique de Vertigo et ses cadrages volontairement distants, comme si on écoutait aux portes, L’aimée enchevêtre les récits comme seul lui sait le faire. Il met en scène au premier plan son rapport à sa famille et à ses disparues par l’entremise de cette maison familiale, sur le point d’être vidée, et d’un portrait de femme aimée, celui de sa grand-mère paternelle décédée trop jeune pour que même son propre fils, le père du cinéaste, en ait conservé un seul souvenir direct. Pourtant, en ouverture, Desplechin, narrateur méthodique, nous parlait clairement d’une autre aimée disparue, beaucoup plus récente, dont le visage lui échappe déjà. Il ne la nommera jamais, mais sa présence flottera tout au long du récit, en filigrane, teintant notre réception des autres passages narratifs, tirés ceux-là des divers écrits laissés par la défunte grand-mère. Alors qu’il discute avec son père de ces bribes de vie éparses, essayant de reconstituer une histoire qui est au moins en partie la sienne, il apparaît clair que le jeu de la mémoire, appuyé uniquement par un assemblage de souvenirs de seconde main et d’impressions glanées au fil de photos et de correspondances, façonne un portrait flou de la disparue et de la vie de ses proches — portrait pourtant étrangement réconfortant pour les vivants. Finalement, est-ce bien important d’être sûrs de nos souvenirs?
Claire Valade
Critique et programmatrice
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