Essai impressionniste sans narration qui présente le quotidien des marins de la frégate HMCS Ottawa, en mission dans l’océan Pacifique entre la Colombie-Britannique et la Californie.
Réalisateur | Sophie Dupuis |
Acteur | Jason Todd |
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En 2015, Sophie Dupuis a suivi les marins canadiens de la frégate HMSC Ottawa dans l’océan Pacifique. Drôle de sujet, semble-t-il, pour la cinéaste de Chien de garde (2018), Souterrain (2020) et Solo (2023), d’autant que l’année suivante, elle tournerait un autre court métrage pour l’ONF, sur la femme de théâtre Suzanne Lebeau cette fois-ci. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la réalisatrice d’origine abitibienne a des goûts éclectiques. Sa biographie dit aussi qu’elle a « l’habitude d’ébranler les gens avec ses films percutants », et la sérénité et le calme qui flottent sur Forces tranquilles semblent donc venir d’un autre univers filmique. Et pourtant, entre les cris de Chien de garde et les chuchotements de Forces tranquilles, il y a bel et bien des atomes crochus : une attention aux détails, une sensibilité délicate, une curiosité lumineuse pour des univers complètement étrangers à son propre monde, une maîtrise de la narrativité et du récit inné même (surtout ?) dans le non-dit, un sens de l’observation aigu, une fine intelligence des personnages, une poésie du moment présent.
Forces tranquilles a beau être un court métrage sans paroles, on retrouve tout le doigté et le don pour l’impressionnisme des autres films de Sophie Dupuis dans ce portrait de militaires au calme, entourés d’eaux miroitantes ou bouillonnantes. Le placement de sa caméra, stable, avec un horizon droit inébranlable, malgré le tangage du navire qui force les hommes à marcher le corps à la diagonale à droite ou à gauche et qui fait pencher les rideaux comme des voiles au vent, pointe vers une vie qui n’est jamais absolument en ligne droite, malgré la rigidité des protocoles et des responsabilités de la vie militaire. Les exercices de tir au ralenti, éclairés de rouge dans la pénombre du crépuscule bleuté, et le bruit des hélicoptères qui survolent s’entremêlent à la musique abstraite et planante, laquelle alterne avec une bande son purement diégétique des bruits de la vie en mer sur une machine aussi énorme qu’un navire de la marine canadienne. Comme une mouche sur un mur ou au plafond, elle observe cet univers singulier dont on connaît si peu de choses au fond, au-delà de la violence et du stress et des éclats auxquels les films hollywoodiens nous ont habitué·e·s, préférant laisser parler l’ordinaire de cette existence particulière.
Claire Valade
Critique et programmatrice
En 2015, Sophie Dupuis a suivi les marins canadiens de la frégate HMSC Ottawa dans l’océan Pacifique. Drôle de sujet, semble-t-il, pour la cinéaste de Chien de garde (2018), Souterrain (2020) et Solo (2023), d’autant que l’année suivante, elle tournerait un autre court métrage pour l’ONF, sur la femme de théâtre Suzanne Lebeau cette fois-ci. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la réalisatrice d’origine abitibienne a des goûts éclectiques. Sa biographie dit aussi qu’elle a « l’habitude d’ébranler les gens avec ses films percutants », et la sérénité et le calme qui flottent sur Forces tranquilles semblent donc venir d’un autre univers filmique. Et pourtant, entre les cris de Chien de garde et les chuchotements de Forces tranquilles, il y a bel et bien des atomes crochus : une attention aux détails, une sensibilité délicate, une curiosité lumineuse pour des univers complètement étrangers à son propre monde, une maîtrise de la narrativité et du récit inné même (surtout ?) dans le non-dit, un sens de l’observation aigu, une fine intelligence des personnages, une poésie du moment présent.
Forces tranquilles a beau être un court métrage sans paroles, on retrouve tout le doigté et le don pour l’impressionnisme des autres films de Sophie Dupuis dans ce portrait de militaires au calme, entourés d’eaux miroitantes ou bouillonnantes. Le placement de sa caméra, stable, avec un horizon droit inébranlable, malgré le tangage du navire qui force les hommes à marcher le corps à la diagonale à droite ou à gauche et qui fait pencher les rideaux comme des voiles au vent, pointe vers une vie qui n’est jamais absolument en ligne droite, malgré la rigidité des protocoles et des responsabilités de la vie militaire. Les exercices de tir au ralenti, éclairés de rouge dans la pénombre du crépuscule bleuté, et le bruit des hélicoptères qui survolent s’entremêlent à la musique abstraite et planante, laquelle alterne avec une bande son purement diégétique des bruits de la vie en mer sur une machine aussi énorme qu’un navire de la marine canadienne. Comme une mouche sur un mur ou au plafond, elle observe cet univers singulier dont on connaît si peu de choses au fond, au-delà de la violence et du stress et des éclats auxquels les films hollywoodiens nous ont habitué·e·s, préférant laisser parler l’ordinaire de cette existence particulière.
Claire Valade
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