Makongo

La magie du documentaire amène à explorer des terres et des communautés inconnues, boudées par les médias et le cinéma de fiction. Quand le réalisateur centrafricain Elvis Sabin Ngaïbino pose sa caméra dans un campement du peuple Aka, communauté de chasseurs-collecteurs, c'est avec un œil de documentariste ethnologue qu'il enregistre et restitue avec minutie le réel. Sans fioriture, sans commentaire et sans musique additionnelle, le dispositif documentaire de cinéma direct est brut, mais d’une sensibilité remarquable, à l’écoute des bruits des animaux, de la pluie, de la forêt équatoriale et du quotidien de la communauté. Makongo est profondément musical dans son habitat naturel, qui plus est avec la musique apportée par des habitant·e·s qui sifflent, chantent dans un micro en forme de bâton et jouent des instruments fabriqués à partir de matériaux trouvés chez Mère Nature.

Tranche de vie de deux amis inséparables, bon samaritains et instructeurs qui œuvrent sans compter afin d’apporter l’éducation aux enfants de leur campement, on les suit rendre lucratifs les produits de la forêt pour mener à bien leur projet : cueillir le gnetum, plante convoitée aux feuilles riches en protéine; récolter en haut des arbres les chenilles très prisées car plat national et transformer du bois en ardoise scolaire. Entre trocs de craies et de cigarettes « pour tenir chaud » et cours d’arithmétique pour les enfants, l’aventure amène les deux hommes à la capitale Bangui où la ville apporte son lot de dangers, de tractations mercantiles et de discriminations envers eux. Makongo sidère par sa poésie de rendre les précieuses valeurs humaines – partage, bienveillance et engagement social – si accessibles en symbiose avec les éléments naturels. 

Bruno Boëz
Travailleur culturel et critique