Les années sida

Les années sida

Depuis les premiers cas rapportés en 1981, on estime à plus de 25 millions le nombre de personnes mortes des suites du sida. Cette maladie, que l’on qualifiait avant sa désignation officielle de « peste gay » ou de « lèpre gay », aura dès le départ jeté l’opprobre sur celleux qui avaient le malheur d’en être atteint·e·s, cette « communauté de parias » formée de personnes ostracisées, ces « groupes à risque » comme on les appelle parfois encore tristement. Ce qui n’était pas prévu, c’est que ces personnes, celles-là mêmes que l’on cherchait à isoler des autres en les condamnant à la honte, s’organiseraient dans un mouvement collectif sans précédent afin de se faire entendre et de réclamer haut et fort qu’on les soigne avec dignité. 

Au même titre qu’il bousculait l’ordre social, le sida a déstabilisé le monde des arts. Non seulement il a fauché les vies de nombreux artistes, nous privant de milliers d’œuvres, mais l’art lui-même est devenu, aux yeux des malades et de leurs allié·e·s, un outil privilégié de résistance. C’est particulièrement vrai pour les pratiques documentaires. Dès les années 1980, plusieurs n’hésitent pas à mettre leur art au service des personnes atteintes afin de documenter la crise qui bat son plein, quand ce ne sont pas les malades eux-mêmes qui s’improvisent cinéastes et s’emparent, dans un geste subversif, de la caméra afin de (se) filmer. Ce faisant, iels bousculent parfois les codes des disciplines artistiques et contribuent à les renouveler, ouvrant de nouvelles potentialités pour celleux qui viendront ensuite. 

Après un certain essoufflement à la fin des années 1990, marqué par pratiquement deux décennies de silence, les productions culturelles sur le sida se sont démultipliées ces dernières années. Redécouvert par la jeune génération, le sida est de nouveau porté à l’écran, fait l’objet d’une littérature nouvelle et abondante, s’intègre dans des expositions en arts visuels. Par la présente sélection, nous proposons plutôt un retour dans le passé, une immersion dans les premières années de la crise du sida. Les trois films choisis, diffusés au début des années 1990, précèdent tous l’arrivée de la trithérapie, qui à partir de 1996 allait permettre de ralentir l’hécatombe et de prolonger considérablement la vie des malades. La crise du sida est cependant loin d’être terminée. Si les traitements existent, leur manque d’accès contribue chaque année à tuer des dizaines de milliers de personnes séropositives à travers le monde.

Ces documentaires constituent, par leur contenu, mais aussi par le regard particulier des cinéastes qui les forgent, un témoignage précieux de cet épisode qui ne s’est étrangement pas inscrit dans les grands livres sur le XXe siècle et dont nous commençons à peine à saisir la portée historique. 

 

Alex Noël
Auteur et professeur de littérature

3 produits

Trier par :

Produit ajouté au panier

Mode :

Expire le :

loader waiting image
loader waiting image