Chronique d’une mort annoncée dont Hervé Guibert filme la répétition et décrit l’horreur au quotidien sans vaine pudeur, sans complaisance. L’image, qu’en photographe il maîtrise parfaitement, l’aide à faire de ce tête-à-tête avec le sida – confession suprême d’une œuvre autobiographique – un acte de foi en la littérature, une ode à la vie.
Réalisateur | Hervé Guibert |
Acteur | Alex Noël |
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Dans De la nature des mondes animés et de ceux qui y habitent (1994), le poète André Roy associe les acteurs décédés du sida à des spectres qui, longtemps après leur mort, continuent de hanter nos écrans, comme les images vivantes d’un monde désormais révolu. C’est une impression semblable qui se dégage de La pudeur ou l’impudeur, le documentaire dans lequel le célèbre écrivain français Hervé Guibert met en scène sa propre expérience du sida. Guibert, qui se filme dans les derniers moments de sa vie, pousse jusqu’au bout la mission qu’il s’était donnée en écriture, celle de dévoiler ce qui n’est pas montrable. Faisant fi des tabous, il exhibe son corps squelettique, se filme sur le siège des toilettes alors qu’il est malade. Il transporte même sa caméra devant la table d’opération, exigeant qu’on le laisse enregistrer pendant que des médecins s’affairent au-dessus de lui, sous anesthésie générale. Il espère ainsi pouvoir contempler après coup, à son réveil, ses propres organes, mais la lumière le trahit. Par tous ces procédés, c’est avant tout la maladie qu’il exhibe, celle, abjecte, que l’on ne voulait surtout pas regarder et qu’il exposera comme on ne l’avait jamais fait jusque-là. Son entreprise documentaire est symbolique de celles de tous ces malades qui, conscient·e·s d’être exclu·e·s des représentations, choisiront de s’emparer de la caméra, de l’appareil photo ou encore de la plume afin de lutter contre cette autre mort qu’est la mort sociale qui accompagne toute maladie.
En février 1991, Guibert met la touche finale à son film, mais on tarde à le diffuser en raison de son contenu. La pudeur ou l’impudeur paraîtra finalement sur les ondes de TF1 en janvier 1992, un peu plus d’un mois après la mort de Guibert, devenu à jamais un fantôme impudique.
Alex Noël
Auteur et professeur de littérature
Dans De la nature des mondes animés et de ceux qui y habitent (1994), le poète André Roy associe les acteurs décédés du sida à des spectres qui, longtemps après leur mort, continuent de hanter nos écrans, comme les images vivantes d’un monde désormais révolu. C’est une impression semblable qui se dégage de La pudeur ou l’impudeur, le documentaire dans lequel le célèbre écrivain français Hervé Guibert met en scène sa propre expérience du sida. Guibert, qui se filme dans les derniers moments de sa vie, pousse jusqu’au bout la mission qu’il s’était donnée en écriture, celle de dévoiler ce qui n’est pas montrable. Faisant fi des tabous, il exhibe son corps squelettique, se filme sur le siège des toilettes alors qu’il est malade. Il transporte même sa caméra devant la table d’opération, exigeant qu’on le laisse enregistrer pendant que des médecins s’affairent au-dessus de lui, sous anesthésie générale. Il espère ainsi pouvoir contempler après coup, à son réveil, ses propres organes, mais la lumière le trahit. Par tous ces procédés, c’est avant tout la maladie qu’il exhibe, celle, abjecte, que l’on ne voulait surtout pas regarder et qu’il exposera comme on ne l’avait jamais fait jusque-là. Son entreprise documentaire est symbolique de celles de tous ces malades qui, conscient·e·s d’être exclu·e·s des représentations, choisiront de s’emparer de la caméra, de l’appareil photo ou encore de la plume afin de lutter contre cette autre mort qu’est la mort sociale qui accompagne toute maladie.
En février 1991, Guibert met la touche finale à son film, mais on tarde à le diffuser en raison de son contenu. La pudeur ou l’impudeur paraîtra finalement sur les ondes de TF1 en janvier 1992, un peu plus d’un mois après la mort de Guibert, devenu à jamais un fantôme impudique.
Alex Noël
Auteur et professeur de littérature
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