Maman déchire

Avec le joli titre à double-fond qu’elle a choisi pour son film, Émilie Brisavoine annonce déjà le programme : fouiller les déchirures familiales tout en signant un film plein de tendresse, le tout avec une pincée d’humour, de chaos et d’impertinence. Après avoir déjà exploré l’intimité mouvementée de sa propre famille dans un premier long métrage remarqué, Pauline s’arrache (2015), la cinéaste s’attache ici plus spécifiquement à sa relation douloureuse avec sa mère, dont les séquelles refont surface alors qu’elle vient elle-même d’être maman et que le confinement lié à la pandémie incite à l’introspection.

Entraîné par un montage énergique et sa galerie d’individus hauts en couleur, le film devient un terrain de jeu thérapeutique, en perpétuelle construction, en perpétuelle discussion. Les archives du passé se mêlent aux images du présent, les appels en visio, les réflexions intimes en voix off et les confrontations de vive voix se bousculent, les souffrances s’entrechoquent. La cinéaste fait de sa caméra une alliée, pour partir à la reconquête de sa liberté dans le dédale sans fin des traumatismes intergénérationnels. Maman déchire a quelque chose d’une boule à facettes, reflétant toute la multiplicité, l’imprévisibilité et les éclats qui constituent les relations humaines et les sentiments ambivalents qu’elles font naître. 

Apolline Caron-Ottavi
Rédactrice et programmatrice
Cinémathèque québécoise