Mobiliser

Tissé comme un fil en tension continue entre la tradition et la modernité, entre l’immensité blanche du Nord et les hauteurs métalliques des poutres citadines, Mobiliser de Caroline Monnet est un récit émancipateur sans paroles où les corps autochtones se libèrent de l’enfermement historique et archivistique.

Ramer, courir, couper.

Les gestes naissent du territoire, non pour le dompter, mais pour lui répondre dans un continuum du lien intime et local que les peuples autochtones entretiennent avec leurs territoires ancestraux et les présences, humaines et non humaines, avec lesquelles ils cohabitent.

Dans Mobiliser, les gestes de tressage de raquettes, d’écorçage de bouleau, de traversée de forêt puis d’entrée dans la ville nous invitent à une lecture épistémologique autochtone du temps — un temps cyclique et relationnel — en rupture avec la temporalité progressiste occidentale.

Cette perspective relationnelle à la forêt, au vivant et au territoire suggère une continuité et un décloisonnement des dyades nature/forêt d’un côté et modernité de l’autre. Monnet nous offre, par ce chant visuel qu’est Mobiliser, une possibilité de redéfinir la modernité à partir d’une perspective autochtone en réinscrivant le geste dans une ontologie de la forêt. La nature, la ville et le corps humain cessent d’être des mondes séparés : ils se répondent, se prolongent, se traduisent mutuellement.

Il nous appartient maintenant de répondre à l’appel : à mobiliser nos liens, à nous engager avec les agentivités autochtones dans le temps présent, mais aussi à déplacer nos lectures ontologiques de la forêt — pour y voir non pas une ressource muette, au mieux contemplée, au pire exploitée, mais comme un partenaire pensant, une interlocutrice, une alliée vivante, une pensée en marche.

Leila Afriat
Conseillère, relations aux communautés
Action éducative, citoyenne et culturelle
Musée McCord Stewart