_Trop c'est assez_ donne la parole au cinéaste Gilles Groulx (1931-1994), dit le « le lynx inquiet », qui fut l’un des cinéastes les plus marquants et les plus originaux du Québec – et certainement le plus politisé et le plus censuré. Malheureusement, en 1981, un accident d'automobile provoque un traumatisme crânien qui l'isole inexorablement de ses semblables. Groulx tombe vite dans l'oubli. De 1989 à 1994, Richard Brouillette s’est entretenu régulièrement avec Groulx, fixant sur pellicule les réflexions du cinéaste sur sa vie et son œuvre.
Réalisateur | Richard Brouillette |
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Dans une chambrette sommairement meublée, assis sur un lit une place, un homme parle. Deux yeux immenses traversent un visage marqué par une épreuve. Cet homme a, lui aussi, une « langue de feu ». Il est habité par quelque chose qui le traverse de bord en bord; le feu, le désir, la rage. Aussi traversé par un doute, une inquiétude qui voile le bleu des yeux, qui traverse l’écran et empoigne le cœur. Pourtant, cette parole, il ne la dit pas pour nous, mais pour lui. Pour ce jeune frère, compagnon d’arme, venu lui rendre visite dans sa cellule, venu s’abreuver à la source de sa révolte. Dans cette cage sordide où le lynx ne fait les cent pas qu’en imagination, pendant que ses longues jambes traînent, inutiles, une fenêtre laisse une ouverture béante et tragique vers l’extérieur. « J’ai hâte de vivre. »
Dans notre patrie maudite où nos poètes meurent de solitude, je rêve d’une fin différente. Je rêve que Gilles Groulx fasse de l’ombre au soleil. Que sa colère haletante résonne et fasse trembler les colonnes du temple. Je rêve que le lynx rôde et veille sur les poètes pas encore morts. Je rêve aux deux grands yeux ouverts de Groulx, imprimés sur la pellicule, qui ne cessent de luire dans le noir et nous guident vers la lumière.
Ce n’est qu’un début, continuons le combat.
Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk
Dans une chambrette sommairement meublée, assis sur un lit une place, un homme parle. Deux yeux immenses traversent un visage marqué par une épreuve. Cet homme a, lui aussi, une « langue de feu ». Il est habité par quelque chose qui le traverse de bord en bord; le feu, le désir, la rage. Aussi traversé par un doute, une inquiétude qui voile le bleu des yeux, qui traverse l’écran et empoigne le cœur. Pourtant, cette parole, il ne la dit pas pour nous, mais pour lui. Pour ce jeune frère, compagnon d’arme, venu lui rendre visite dans sa cellule, venu s’abreuver à la source de sa révolte. Dans cette cage sordide où le lynx ne fait les cent pas qu’en imagination, pendant que ses longues jambes traînent, inutiles, une fenêtre laisse une ouverture béante et tragique vers l’extérieur. « J’ai hâte de vivre. »
Dans notre patrie maudite où nos poètes meurent de solitude, je rêve d’une fin différente. Je rêve que Gilles Groulx fasse de l’ombre au soleil. Que sa colère haletante résonne et fasse trembler les colonnes du temple. Je rêve que le lynx rôde et veille sur les poètes pas encore morts. Je rêve aux deux grands yeux ouverts de Groulx, imprimés sur la pellicule, qui ne cessent de luire dans le noir et nous guident vers la lumière.
Ce n’est qu’un début, continuons le combat.
Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk
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