En juillet 1990, un litige autour d'un terrain de golf qui serait construit sur des terres kanien'kéhaka (mohawks) à Oka ouvrait la voie à une confrontation historique qui ferait les manchettes internationales et s'imprimerait dans la conscience collective du pays. La réalisatrice Alanis Obomsawin – tantôt avec une petite équipe, tantôt seule – a passé 78 jours derrière les barricades kanien'kéhaka pour filmer l'affrontement armé entre les manifestants, la Sûreté du Québec et l'armée canadienne.
Réalisateur | Alanis Obomsawin |
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Ce film est la raison pour laquelle je suis devenue cinéaste.
Je viens de Kanehsatà:ke. J’ai grandi dans le village d’Oka. J’y étais en 1990. J’avais 10 ans quand les premiers coups de feu ont retenti, 11 quand le siège a pris fin. Impossible de compter le nombre de fois où j’ai entendu des propos faux, approximatifs, mal cités, incomplets ou simplement haineux dans les médias au cours de ces 78 jours de « crise ». Cet été-là, j’ai découvert le racisme, les préjugés, la méfiance et l’hypocrisie. J’ai perdu confiance envers les médias et envers les gens ordinaires qui se fiaient uniquement sur ce qui y était rapporté pour se forger leur opinion de ma communauté. J’ai passé mon adolescence à avoir une dent contre les médias. La plus grande vérité, celle qui racontait enfin notre perspective de ces événements, est venue avec le documentaire d’Alanis Obomsawin. Et quand je l’ai vu pour la première fois, à 16 ans, j’ai réalisé qu’on pouvait raconter notre version des faits et qu’il y avait de la place pour nos histoires et nos points de vue dans le monde des arts et des médias. J’ai compris qu’on avait le devoir de se prendre cette place. « Je me souviens d’avoir regardé la figure des policiers, ils avaient peur. Ils étaient comme des enfants. Ils n’avaient jamais affronté un esprit aussi fort. » - Ellen Gabriel (dans Kanehsatake 270 ans de résistance)
Dans ce film on peut aussi témoigner de la force des femmes de Kanehsatà:ke. La nation Kanien’kehá:ka est matriarcale. Ce sont les femmes de ma communauté qui ont été les premières au front, les premières à défendre leur terre mère. Et l’œuvre d’Alanis Obomsawin fait écho de ce fait. Elle laisse enfin à ces femmes inspirantes la chance de raconter leur version des événements avec toute leur force, mais aussi avec poésie, candeur et sagesse. Alanis a passé des mois avec ces femmes. Elles ont développé une relation de confiance et cette complicité est palpable dans leurs entretiens à l’écran. Voir et revoir Kanehsatake: 270 ans de résistance est un devoir de mémoire. Ce film transmet les valeurs, les traditions et la culture Kanien’kehá:ka. Il a rectifié le tir quant aux réclamations territoriales autochtones et aux vraies sources du conflit armé le plus important de l’histoire de notre pays. Il a changé le documentaire canadien à tout jamais.
J’ai revu le film au moins cinq fois depuis mes seize ans. La dernière fois, j’étais très émue. Émue de revoir le courage et l’audace des grandes femmes de ma communauté que j’admire énormément. Émue de revoir des visages qui nous ont depuis quittés pour le monde des esprits. Émue aussi de constater que les choses n’ont pas tellement changé. Ma communauté souffre encore des conséquences de ces événements et la question de la propriété de ces terres n’est toujours pas résolue.
Sonia Bonspille Boileau
Cinéaste
Ce film est la raison pour laquelle je suis devenue cinéaste.
Je viens de Kanehsatà:ke. J’ai grandi dans le village d’Oka. J’y étais en 1990. J’avais 10 ans quand les premiers coups de feu ont retenti, 11 quand le siège a pris fin. Impossible de compter le nombre de fois où j’ai entendu des propos faux, approximatifs, mal cités, incomplets ou simplement haineux dans les médias au cours de ces 78 jours de « crise ». Cet été-là, j’ai découvert le racisme, les préjugés, la méfiance et l’hypocrisie. J’ai perdu confiance envers les médias et envers les gens ordinaires qui se fiaient uniquement sur ce qui y était rapporté pour se forger leur opinion de ma communauté. J’ai passé mon adolescence à avoir une dent contre les médias. La plus grande vérité, celle qui racontait enfin notre perspective de ces événements, est venue avec le documentaire d’Alanis Obomsawin. Et quand je l’ai vu pour la première fois, à 16 ans, j’ai réalisé qu’on pouvait raconter notre version des faits et qu’il y avait de la place pour nos histoires et nos points de vue dans le monde des arts et des médias. J’ai compris qu’on avait le devoir de se prendre cette place. « Je me souviens d’avoir regardé la figure des policiers, ils avaient peur. Ils étaient comme des enfants. Ils n’avaient jamais affronté un esprit aussi fort. » - Ellen Gabriel (dans Kanehsatake 270 ans de résistance)
Dans ce film on peut aussi témoigner de la force des femmes de Kanehsatà:ke. La nation Kanien’kehá:ka est matriarcale. Ce sont les femmes de ma communauté qui ont été les premières au front, les premières à défendre leur terre mère. Et l’œuvre d’Alanis Obomsawin fait écho de ce fait. Elle laisse enfin à ces femmes inspirantes la chance de raconter leur version des événements avec toute leur force, mais aussi avec poésie, candeur et sagesse. Alanis a passé des mois avec ces femmes. Elles ont développé une relation de confiance et cette complicité est palpable dans leurs entretiens à l’écran. Voir et revoir Kanehsatake: 270 ans de résistance est un devoir de mémoire. Ce film transmet les valeurs, les traditions et la culture Kanien’kehá:ka. Il a rectifié le tir quant aux réclamations territoriales autochtones et aux vraies sources du conflit armé le plus important de l’histoire de notre pays. Il a changé le documentaire canadien à tout jamais.
J’ai revu le film au moins cinq fois depuis mes seize ans. La dernière fois, j’étais très émue. Émue de revoir le courage et l’audace des grandes femmes de ma communauté que j’admire énormément. Émue de revoir des visages qui nous ont depuis quittés pour le monde des esprits. Émue aussi de constater que les choses n’ont pas tellement changé. Ma communauté souffre encore des conséquences de ces événements et la question de la propriété de ces terres n’est toujours pas résolue.
Sonia Bonspille Boileau
Cinéaste
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