Au début des années 90, l'État de Croatie nouvellement créé est impliqué dans un conflit avec la Serbie. Durant ce chaos de guerre, les Serbes qui habitent en Croatie se font fréquemment harceler et voler, voire même assassiner. Parmi les victimes innocentes, la jeune fille Aleksandra Zec d'origine serbe et vivant à Zagreb fut brutalement assassinée, ainsi que le reste de sa famille. Bien que les auteurs de ce crime aient été retrouvés, aucune condamnation n'eut lieu en raison des pressions politiques. Un quart de siècle plus tard, le metteur en scène controversé Oliver Frljić travaille sur une pièce de théâtre qui relate cette tragédie. Le processus fait ressortir des traumatismes enfouis chez les participant.e.s et les répétitions deviennent une sorte de psychothérapie collective. L'actrice Nina, âgée de 12 ans, a cette impression que la guerre n'a jamais cessé. Lorsque le metteur en scène lui demande de se déclarer Serbe devant le public, elle reste terrifiée et sans mots.
Réalisateur | Nebojša Slijepčević |
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« Je viens de Croatie, mais je suis Serbe. » La phrase d'ouverture du documentaire Srbenka est prononcée par une jeune fille agitée, honteuse et réticente à regarder directement dans la caméra. La phrase en dit long à toutes les personnes qui connaissent cette réalité. Avec ce témoignage troublant, le réalisatrice Nebojša Slijepčević commence par s'éloigner soigneusement des représentations stéréotypées de ce qu'est « l'autre ». En décrivant ses luttes quotidiennes à la fois contre la haine systémique et la discrimination de ses pairs et de la société en général, Slijepčević révèle méticuleusement les angles morts et les hypocrisies de la Croatie contemporaine.
Le film propose un second niveau narratif en suivant le processus créatif de Aleksandra Zec, une production théâtrale mise en scène par Oliver Frljić créée en 2014 au Théâtre national croate dans la ville côtière de Rijeka. L'un des créateurs et penseurs de théâtre les plus significatifs de l’Europe contemporaine, Frljić est connu pour son approche sans compromis, où il met en scène différents sujets sociopolitiques urgents et souvent controversés. Aleksandra Zec ne fait pas exception à la règle, et cette production théâtrale suscite de nombreuses protestations, bien que Slijepčević ne présente pas les conséquences sociopolitiques du projet théâtral de Frljić dans son film, et consacre plutôt son attention au processus de création théâtrale lui-même. Elle suit l'auteur et les interprètes pendant qu’elles et ils discutent, s'engagent, se brisent, réussissent et échouent à trouver un moyen de partager cette histoire, tout en évitant les pièges de représentation les plus courants auxquels les histoires d'altérité sont sujettes.
En présentant ce processus aux côtés de témoignages réels, Srbenka est construit sous forme d’hommage au théâtre lui-même, dans toutes ses possibilités et ses limites pour bouger, découvrir, questionner ou transformer au-delà de ses frontières physiques. D'une manière très subtile, il questionne et expose simultanément la manière dont le théâtre peut imiter, initier un dialogue, ou même pénétrer une réalité construite autour de conflits non résolus et de traumatismes non exprimés. Et surtout, il remet en question notre rôle de témoins de cette réalité.
Jana Dolecki
Chercheuse en théâtre, cheffe de chœur et productrice culturelle (Autriche/Croatie)
« Je viens de Croatie, mais je suis Serbe. » La phrase d'ouverture du documentaire Srbenka est prononcée par une jeune fille agitée, honteuse et réticente à regarder directement dans la caméra. La phrase en dit long à toutes les personnes qui connaissent cette réalité. Avec ce témoignage troublant, le réalisatrice Nebojša Slijepčević commence par s'éloigner soigneusement des représentations stéréotypées de ce qu'est « l'autre ». En décrivant ses luttes quotidiennes à la fois contre la haine systémique et la discrimination de ses pairs et de la société en général, Slijepčević révèle méticuleusement les angles morts et les hypocrisies de la Croatie contemporaine.
Le film propose un second niveau narratif en suivant le processus créatif de Aleksandra Zec, une production théâtrale mise en scène par Oliver Frljić créée en 2014 au Théâtre national croate dans la ville côtière de Rijeka. L'un des créateurs et penseurs de théâtre les plus significatifs de l’Europe contemporaine, Frljić est connu pour son approche sans compromis, où il met en scène différents sujets sociopolitiques urgents et souvent controversés. Aleksandra Zec ne fait pas exception à la règle, et cette production théâtrale suscite de nombreuses protestations, bien que Slijepčević ne présente pas les conséquences sociopolitiques du projet théâtral de Frljić dans son film, et consacre plutôt son attention au processus de création théâtrale lui-même. Elle suit l'auteur et les interprètes pendant qu’elles et ils discutent, s'engagent, se brisent, réussissent et échouent à trouver un moyen de partager cette histoire, tout en évitant les pièges de représentation les plus courants auxquels les histoires d'altérité sont sujettes.
En présentant ce processus aux côtés de témoignages réels, Srbenka est construit sous forme d’hommage au théâtre lui-même, dans toutes ses possibilités et ses limites pour bouger, découvrir, questionner ou transformer au-delà de ses frontières physiques. D'une manière très subtile, il questionne et expose simultanément la manière dont le théâtre peut imiter, initier un dialogue, ou même pénétrer une réalité construite autour de conflits non résolus et de traumatismes non exprimés. Et surtout, il remet en question notre rôle de témoins de cette réalité.
Jana Dolecki
Chercheuse en théâtre, cheffe de chœur et productrice culturelle (Autriche/Croatie)
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