Sisters with Transistors

Comment exprimer ma passion pour le synthétiseur modulaire? Je dirais qu’elle a commencé avec l’album Ears de la jeune musicienne américaine, Kaitlyn Aurelia Smith. La première écoute de cet album a sonné pour moi comme une prise de conscience, une avalanche de sensations frôlant parfois même un débordement d’émotions inqualifiables. Cette découverte me donnait la possibilité d’éprouver la présence et l’enveloppement sensoriel d’une multiplicité de textures sonores pourtant si machiniques et abstraites. Par cette expérience, je ressentais et percevais l’ouverture d’un dialogue intergénérationnel dont les mots m’échappaient encore. Ce dialogue existe bel et bien depuis longtemps. Ici, il se déploie sous le regard de la réalisatrice de Sisters with Transistors à travers une série d’archives, d’entrevues, de performances inédites. Les nombreuses appropriations de la machine électronique permettent, dans ce contexte, de renverser les normes de genre et de déstabiliser une tradition artistique principalement masculine, à l’instar de Clara Rockmore mettant à la merci de son instrument quelques maladroits endimanchés. Porté par la voix iconique de Laurie Anderson, le film retrace un univers musical explorant les filiations de sonorités radicales expérimentées par toute une génération de musiciennes en quête d’émancipation dont les innovations techniques ne manquent pas d’être célébrées par la réalisatrice.

Julia Minne
Doctorante et programmatrice