À la découverte de la Bibliothèque nationale de France - telle qu'elle fonctionnait au milieu des années 1950 - véritable coffre-fort et musée des mots où lectures, œuvres précieuses et introuvables, connaissances, catalogues et collections de livres sont enfermés, répertoriés, analysés, classés, notés, étiquetés, enregistrés et consultés.
Réalisateur | Alain Resnais |
Acteur | Richard Brouillette |
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Situé entre Nuit et brouillard et Le chant du styrène, ce film de commande du ministère des Affaires étrangères (pour des fins « touristiques ») préfigure pourtant les longs métrages marquants de Resnais. En fait, tout participe à faire de ce court métrage, qui aurait pu être d’une atroce banalité institutionnelle, une grande œuvre.
D’abord, la photographie de Ghislain Cloquet (un des deux fidèles du cinéaste, avec Sacha Vierny) est magistrale de beauté et d’ingéniosité en quantité de lieux sombres et exigus. Tissée de travellings et de mouvements de grue, elle laisse entrevoir celle de Hiroshima, mon amour et, a fortiori, celle de L’année dernière à Marienbad avec ses enfilades de couloirs et de galeries – et la vénusté muette de ses statues. Ensuite, la musique exceptionnelle de Maurice Jarre, pour percussions, vents et ondes Martenot. S’inscrivant dans le sillon du groupe des Six (Auric, Milhaud, etc.), elle habite le film de part en part en lui insufflant son essence même. Enfin, le scénario de Remo Forlani, qui signe un des grands textes de la glorieuse époque de la narration documentaire.
Il faut aussi mentionner que l’œuvre est visitée à la dérobée par le génie de Chris (Magic) Marker. Empruntant déjà une espèce d’esthétique science-fictionnelle, le film nous propose de suivre à travers plusieurs séquences tout le parcours dans la BNF d’un livre sur la planète Mars. Or, ce bouquin fut inventé de toute pièce par Marker pour les fins de la production (avec iconographie de chats markeriens et tout le saint-frusquin). Cet étrange élément du film a d’ailleurs inspiré un court métrage récent de Justine Haelters, intitulé, Mars, comme le livre fictif.
Toute la mémoire du monde insiste beaucoup sur la quantité de livres et documents que la BNF devait traiter quotidiennement, en 1956. Pourtant, c’était bien avant qu’Ignacio Ramonet ne mentionne dans un éditorial du Monde diplomatique de 1997 (donc aux premiers jours de l’internet grand public) « qu’en trente ans, le monde a produit plus d’informations qu’au cours des cinq mille précédentes années... ». Alors, surgit la question qui aujourd’hui nous hante : où en sommes-nous, en 2023?
Richard Brouillette
Cinéaste, producteur, éleveur de poules et comptable
Situé entre Nuit et brouillard et Le chant du styrène, ce film de commande du ministère des Affaires étrangères (pour des fins « touristiques ») préfigure pourtant les longs métrages marquants de Resnais. En fait, tout participe à faire de ce court métrage, qui aurait pu être d’une atroce banalité institutionnelle, une grande œuvre.
D’abord, la photographie de Ghislain Cloquet (un des deux fidèles du cinéaste, avec Sacha Vierny) est magistrale de beauté et d’ingéniosité en quantité de lieux sombres et exigus. Tissée de travellings et de mouvements de grue, elle laisse entrevoir celle de Hiroshima, mon amour et, a fortiori, celle de L’année dernière à Marienbad avec ses enfilades de couloirs et de galeries – et la vénusté muette de ses statues. Ensuite, la musique exceptionnelle de Maurice Jarre, pour percussions, vents et ondes Martenot. S’inscrivant dans le sillon du groupe des Six (Auric, Milhaud, etc.), elle habite le film de part en part en lui insufflant son essence même. Enfin, le scénario de Remo Forlani, qui signe un des grands textes de la glorieuse époque de la narration documentaire.
Il faut aussi mentionner que l’œuvre est visitée à la dérobée par le génie de Chris (Magic) Marker. Empruntant déjà une espèce d’esthétique science-fictionnelle, le film nous propose de suivre à travers plusieurs séquences tout le parcours dans la BNF d’un livre sur la planète Mars. Or, ce bouquin fut inventé de toute pièce par Marker pour les fins de la production (avec iconographie de chats markeriens et tout le saint-frusquin). Cet étrange élément du film a d’ailleurs inspiré un court métrage récent de Justine Haelters, intitulé, Mars, comme le livre fictif.
Toute la mémoire du monde insiste beaucoup sur la quantité de livres et documents que la BNF devait traiter quotidiennement, en 1956. Pourtant, c’était bien avant qu’Ignacio Ramonet ne mentionne dans un éditorial du Monde diplomatique de 1997 (donc aux premiers jours de l’internet grand public) « qu’en trente ans, le monde a produit plus d’informations qu’au cours des cinq mille précédentes années... ». Alors, surgit la question qui aujourd’hui nous hante : où en sommes-nous, en 2023?
Richard Brouillette
Cinéaste, producteur, éleveur de poules et comptable
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