_Images du monde et inscription de la guerre_ est un essai dont le motif central est la photographie aérienne du camp d'Auschwitz prise par un avion de reconnaissance américain le 4 avril 1944. Sur cette photographie, les analystes identifièrent les usines environnantes, mais pas le camp de concentration et d'extermination. Un montage dialectique et un commentaire distancié composent ce film qui analyse les conditions d'une lisibilité des images, du « voir » et du « savoir », et entrelace la polysémie des mots et des photographies.
Réalisateurs | Harun Farocki, Harun Farocki |
Acteur | Richard Brouillette |
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Oeuvre presciente s’il en est une, cet essai documentaire pose la question de la mécanisation et de la mathématisation du regard. À une époque où, guidés par l’utopie cybernétique de Norbert Wiener, des ingénieurs franchissent les premiers pas algorithmiques de l’intelligence artificielle, Farocki questionne la fausse objectivité des machines.
Déjà, en 1988, alors que les travaux sur la reconnaissance faciale et les véhicules autonomes vont bon train, mais demeurent plutôt confidentiels, le cinéaste pressent le danger de ce qu’il nommera plus tard des « images opérationnelles », qui n’ont aucune fonction esthétique ou sociale, qui ne nourrissent aucune réflexion, mais qui participent simplement à des opérations mathématiques. Il dénonce les a priori subjectifs enfouis dans ces calculs par leurs concepteurs qui les rendent aveugles à tout élément externe à leur code, comme une tache de Mariotte.
Au-delà du faux, il s’intéresse au factice, c’est-à-dire au fabriqué (comme cette machine à vagues en ouverture du film), et à l’emprise de l’apparence sur le réel. Plus encore, il souligne la concertation entre ce qui conserve et ce qui détruit (les bombardiers qui photographient les bombes qu’ils larguent en vol), en rappelant le double sens du mot allemand Aufklärung : à la fois les Lumières du XVIIIe siècle et la reconnaissance (militaire, faciale, etc.).
Mentionnons un élément aussi étonnant que remarquable du film : la musique, constituée de petits éclats disjoints de pièces de Beethoven et de Bach, qui fut réalisée en plaçant une paire de ciseaux ouverte sur les bandes pour faire écran à un démagnétiseur qui effaçait ce qui n’était pas protégé par le métal. Une façon, en quelque sorte, de déjouer la machine…
Richard Brouillette
Cinéaste, producteur, éleveur de poules et comptable
Oeuvre presciente s’il en est une, cet essai documentaire pose la question de la mécanisation et de la mathématisation du regard. À une époque où, guidés par l’utopie cybernétique de Norbert Wiener, des ingénieurs franchissent les premiers pas algorithmiques de l’intelligence artificielle, Farocki questionne la fausse objectivité des machines.
Déjà, en 1988, alors que les travaux sur la reconnaissance faciale et les véhicules autonomes vont bon train, mais demeurent plutôt confidentiels, le cinéaste pressent le danger de ce qu’il nommera plus tard des « images opérationnelles », qui n’ont aucune fonction esthétique ou sociale, qui ne nourrissent aucune réflexion, mais qui participent simplement à des opérations mathématiques. Il dénonce les a priori subjectifs enfouis dans ces calculs par leurs concepteurs qui les rendent aveugles à tout élément externe à leur code, comme une tache de Mariotte.
Au-delà du faux, il s’intéresse au factice, c’est-à-dire au fabriqué (comme cette machine à vagues en ouverture du film), et à l’emprise de l’apparence sur le réel. Plus encore, il souligne la concertation entre ce qui conserve et ce qui détruit (les bombardiers qui photographient les bombes qu’ils larguent en vol), en rappelant le double sens du mot allemand Aufklärung : à la fois les Lumières du XVIIIe siècle et la reconnaissance (militaire, faciale, etc.).
Mentionnons un élément aussi étonnant que remarquable du film : la musique, constituée de petits éclats disjoints de pièces de Beethoven et de Bach, qui fut réalisée en plaçant une paire de ciseaux ouverte sur les bandes pour faire écran à un démagnétiseur qui effaçait ce qui n’était pas protégé par le métal. Une façon, en quelque sorte, de déjouer la machine…
Richard Brouillette
Cinéaste, producteur, éleveur de poules et comptable
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