Shari

Il arrive parfois que la poésie nous prenne par surprise, revêtant des atours inusités. Au départ, on en reconnaît vaguement les contours, puis elle se précise et éclate dans toute son évidence. Pas de doute, c’est bien la poésie - mystérieuse et inquiétante - qui a pris la forme d’une étrange bête rouge laineuse dans ce film tourné dans un petit village japonais situé sur les rives de la mer d’Okhotsk.

Sur fond de changements climatiques, le film est à mi-chemin entre la fable écologique, le récit ethnographique, les vidéos ASMR et le rêve éveillé d’une rêveuse espiègle et fantasque (!).

De maison en maison, la réalisatrice et danseuse Nao Yoshigai déploie une présence lumineuse qui semble attirer la beauté irrégulière et les créatures magiques. D’une boulangère-bergère à un producteur laitier au chômage devenu collectionneur de sculptures en bois, chaque intérieur visité est comme le déploiement d’un cabinet de curiosités au charme délicat et improbable. Comme ce film, absolument et délicieusement étrange, qui invite la poésie à transfigurer le cinéma documentaire dans un traitement étonnant qui force l’admiration.

 

Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk