Madeleine Dansereau fut la première femme joaillière au Québec. Elle commença sa carrière à 47 ans, au moment même où les médecins la condamnaient à cause d’un cancer du sein. Sa fille Mireille, cinéaste, évoque leur relation durant les vingt dernières années de sa vie tout en gardant comme toile de fond son itinéraire cinématographique.
Réalisateurs | Mireille Dansereau, Mireille Dansereau |
Acteurs | Maude Trottier, Maude Trottier, Rachel Samson, Rachel Samson |
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Entre elle et moi (1992) est un film-deuil qui introduit la pratique artistique de la mère de la cinéaste, la joaillière Madeline Dansereau, tout juste un an après sa mort. La cinéaste reprend le souffle de la voix-off qui, déjà dans Moi, un jour… (1967), frayait un espace pour le discours intérieur et la possibilité même de mesurer le poids de sa propre pensée. La tâche de faire récit est maintenant posée sur le temps passé, alors que la conscience nouvelle qu’ouvre la mort de la mère forme un miroir inédit à partir duquel méditer le temps traversé. En revenant tout à la fois sur le parcours de sa mère et en filigrane sur le sien propre, la cinéaste entreprend aussi l’un des premiers gestes à rebours qui caractériseront ses films ultérieurs.
Ce n’est qu’à l’âge de 47 ans que Madeleine Dansereau apprend le métier de joaillière, dans la foulée de cancers récidivants qui la propulsent vers la concentration, le labeur, la création d’objets qui visent à « parer le corps ». Or, ce « parer le corps » que met en scène la fille Dansereau, en agençant les images, parle d’une façon d’en révéler les parties tout autant que du souci de le protéger et de répondre aux maladies grugeant l’estomac et les seins. Il fait également écho à la dimension processuelle de tous les « faire » qui surgissent dans ce film co-biographique. Des gestes « techniques » y sont déclinés et croisés, formant autant de zones de résistance que de parallèles réflexifs entre les pratiques de la fille et de la mère : développer une photographie, agencer des images, mettre en récit les trajectoires; former, polir, souder, couler le métal. Les nombreux plans montrant les mains occupées à la tâche nous font mesurer les petites portées métaphoriques surgissant des actes concrets. Tacitement, on compare, on jauge les gestes à l’œuvre devant et derrière la caméra. La patience du travail du métal en ses multiples étapes renvoie à la manipulation d’images anciennes et au geste du montage; la tridimensionnalité du bijou, sa tactilité et sa spatialité font réfléchir à la liquidité et à la solidité du temps de vie que l’on manipule afin d’en faire du temps filmique. « Il s’agit de parer le corps », il s’agit de « se façonner soi-même ». De continuer à faire des films en s’adaptant techniquement et en confiant au labeur artisanal une certaine confiance aveugle, une certaine force de poursuite.
Maude Trottier
Rédactrice en chef, revue Hors champ
Présenté en collaboration avec
Entre elle et moi (1992) est un film-deuil qui introduit la pratique artistique de la mère de la cinéaste, la joaillière Madeline Dansereau, tout juste un an après sa mort. La cinéaste reprend le souffle de la voix-off qui, déjà dans Moi, un jour… (1967), frayait un espace pour le discours intérieur et la possibilité même de mesurer le poids de sa propre pensée. La tâche de faire récit est maintenant posée sur le temps passé, alors que la conscience nouvelle qu’ouvre la mort de la mère forme un miroir inédit à partir duquel méditer le temps traversé. En revenant tout à la fois sur le parcours de sa mère et en filigrane sur le sien propre, la cinéaste entreprend aussi l’un des premiers gestes à rebours qui caractériseront ses films ultérieurs.
Ce n’est qu’à l’âge de 47 ans que Madeleine Dansereau apprend le métier de joaillière, dans la foulée de cancers récidivants qui la propulsent vers la concentration, le labeur, la création d’objets qui visent à « parer le corps ». Or, ce « parer le corps » que met en scène la fille Dansereau, en agençant les images, parle d’une façon d’en révéler les parties tout autant que du souci de le protéger et de répondre aux maladies grugeant l’estomac et les seins. Il fait également écho à la dimension processuelle de tous les « faire » qui surgissent dans ce film co-biographique. Des gestes « techniques » y sont déclinés et croisés, formant autant de zones de résistance que de parallèles réflexifs entre les pratiques de la fille et de la mère : développer une photographie, agencer des images, mettre en récit les trajectoires; former, polir, souder, couler le métal. Les nombreux plans montrant les mains occupées à la tâche nous font mesurer les petites portées métaphoriques surgissant des actes concrets. Tacitement, on compare, on jauge les gestes à l’œuvre devant et derrière la caméra. La patience du travail du métal en ses multiples étapes renvoie à la manipulation d’images anciennes et au geste du montage; la tridimensionnalité du bijou, sa tactilité et sa spatialité font réfléchir à la liquidité et à la solidité du temps de vie que l’on manipule afin d’en faire du temps filmique. « Il s’agit de parer le corps », il s’agit de « se façonner soi-même ». De continuer à faire des films en s’adaptant techniquement et en confiant au labeur artisanal une certaine confiance aveugle, une certaine force de poursuite.
Maude Trottier
Rédactrice en chef, revue Hors champ
Présenté en collaboration avec
Français