Bandes de féministes

Bandes de féministes

La vidéo féministe au Québec et en France

Cette escale propose une exploration de six productions féministes tournées sur support vidéo en France et au Québec entre 1971 et 1997. À travers cette programmation, nous vous invitons à découvrir des oeuvres rares qui documentent les préoccupations du mouvement féministe ainsi que les échanges et solidarités internationales entretenues entre les femmes à cette époque. Afin d’apporter de nouveaux regards sur ces corpus, la diffusion de ces films sera accompagnée de textes et critiques rédigés par des chercheur.e.s, artistes et commissaires d’expositions spécialistes des enjeux féministes, LGBTQ2S+ et autochtones.

 

 

Pourquoi une escale sur la vidéo féministe ?

 

L’effervescence des luttes féministes dans les années 1960-1970 a favorisé la création de nombreux films et vidéos documentaires demeurant aujourd’hui difficilement accessibles au grand public. Coïncidant avec la mise en marché de la toute nouvelle caméra vidéo « Portapak » conçue par Sony en 1965, un certain nombre d’artistes et de groupes de femmes entrevoient la possibilité de mobiliser cet outil au service de leurs combats.

Sa facilité de manipulation, son coût plus abordable que le cinéma et sa légèreté permettront à ces artistes de s’exprimer plus librement sans craindre d’être censurées par les institutions cinématographiques et les médias de masse. De plus, le magnétoscope portatif leur offre la possibilité de visionner les séquences tournées le jour même (contrairement au cinéma qui nécessitait le développement en laboratoire de la pellicule argentique). Plus encore, la vidéo se révèle un outil d’expérimentation sans passé ni histoire, libérée des contraintes hiérarchiques imposées par une industrie cinématographique largement dominée par des hommes blancs, cisgenres et en capacités.

Nous verrons ainsi émerger une nouvelle mouvance de vidéastes féministes qui définiront à elles seules d’autres moyens de produire et de distribuer leurs propres films. Plusieurs collectifs tels que le Groupe Intervention Vidéo, Arnait Vidéo, le Réseau Vidé-Elle et Vidéo Femmes au Québec/Canada ainsi que Vidéa, Les insoumuses ou encore Aire-Elles Vidéo en France deviendront de véritables lieux d’émancipation pour des artistes et nouvelles initiées provenant de divers horizons. S’attaquant avec ferveur à des sujets aussi diversifiés que le droit à l’avortement et la contraception libre, les agressions sexuelles, les stratégies d’autodéfense et les luttes ouvrières, les œuvres qu’elles produisent défient les normes esthétiques assignées par les milieux artistiques. En plus de proposer de nouvelles formes de production et de distribution, ces collectifs féministes ont largement contribué à préserver et à diffuser les œuvres et documents produits depuis les années 1970. On observera notamment le développement d’importantes collections qui témoignent de l’histoire et de l’évolution d’héritages culturels et féministes foisonnants. C’est le cas notamment du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir à Paris, d’Arnait Video à Igloolik et du Groupe Intervention Vidéo à Montréal. Se plonger dans les fonds d’archives de ces collectifs permet non seulement de découvrir le caractère unique de ces images souvent délaissées par le milieu académique et culturel, mais également de constater la fragilité de ces supports amateurs qui, par leur dimension politique, ont longtemps échappé aux institutions de mémoire.

Oscillant entre pratiques artistiques et pratiques engagées, le corpus sélectionné pour cette escale témoigne des aspirations de groupes d’artistes professionnels et amateurs manifestant un désir profond de rendre visible la culture des femmes. Ces productions éclairent ainsi des contextes sociaux et politiques méconnus, nous invitant à investiguer plus amplement les zones d’ombre de nos héritages féministes. Dans cette période de bouleversements culturels se sont également formées de nouvelles solidarités féministes qui ont donné lieu à de riches échanges sur le plan politique et cinématographique. Entre la France et le Québec, on observe la réalisation d’un certain nombre de co-productions (accessibles dans cette programmation) telles qu’À notre santé qui dénoncent en chœur les violences patriarcales exercées sur le corps des femmes. Le film Chaperons Rouges (une collaboration entre deux vidéastes montréalaises) donne quant à lui la parole à plusieurs femmes victimes de viols et d’agressions sexuelles dans un Québec à peine libéré du pouvoir ecclésiastique. Dans un même ordre d’idées, D’abord ménagères de Luce Guilbeault, nous livre plusieurs témoignages de femmes au foyer brisant alors un tabou important sur le travail invisible des femmes. Ce dernier fait écho à notre prochain opus : Histoire des luttes féministes au Québec dans lequel nous sommes invité.e.s à découvrir, par l’entremise de l’historienne Michèle Stanton-Jean, un précieux survol (archives à l’appui) des victoires accomplies par un groupe de militantes québécoises. Puis, nous reviendrons en France pour écouter les débats sulfureux du Front homosexuel d’action révolutionnaire à ses débuts avant de s’en aller dans le village d’Igloolik pour admirer l’œuvre d’animation Unikausiq réalisée par l’artiste inuite, Mary Kunuk.

Programmer ces films aujourd’hui s’avère une précieuse opportunité de réfléchir aux ruptures et continuités présentes entre les différentes générations de féministes. Car si nous avons réussi à proposer une sélection de films rares et encore méconnus à ce jour, celle-ci ne peut être exemptée d’une prise en compte des rapports de pouvoir habitant ces luttes féministes. Ainsi, il est important de mentionner que ces échanges internationaux sont également le résultat d’histoires coloniales témoignant de violences à l’égard des premiers peuples et personnes de couleur, bien souvent sous-représentées dans ces corpus d’œuvres.

Nous espérons que cette escale contribuera à ouvrir des espaces d’échanges et un dialogue plus large sur le devenir de nos héritages féministes; ceci pour nous inspirer de nouvelles stratégies de résistance dans un contexte où nos luttes sont sans cesse fragilisées et menacées d’être réduites au silence.

Bon visionnement !

 

Julia Minne
Doctorante et programmatrice



EN COMPLÉMENT

 

Table ronde sur la vidéo féministe au Québec et en France (1970-1990)


 



Podcast du Festival Filministes

Devant l’effacement des productions culturelles des femmes et des personnes marginalisées, les chercheuses Julia Minne et Chloé Savoie-Bernard revisitent l’histoire pour en faire émerger un héritage féministe foisonnant. Croisant les disciplines du cinéma et de la littérature, elles cherchent à inaugurer une parole et une mémoire féministes qui déjouent notre conception du patrimoine. Une initiative du Festival Filministes !

 

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