Présenté comme la relation, à bâtons rompus, d'un voyageur sans préjugés, surtout curieux du mode de vie des Sibériens, le film est un essai ou plutôt une suite d'essais en forme d'exercices de style qui fait appel à toutes les ressources du langage cinématographique. Un reportage sur cette vaste et, à l'époque, mystérieuse région soviétique, mais surtout comme l'écrivait André Bazin « un essai de géographie humaine et politique sur la réalité sibérienne... un essai documenté par le cinéma... où l'auteur ne sépare jamais l'intelligence de la poésie et de la fantaisie. »
Réalisateur | Chris Marker |
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À l'origine un film de commande initié par l'association France-U.R.S.S., *Lettre de Sibérie* n’en demeure pas moins une œuvre parfaitement markerienne. Tournant en dérision les films institutionnels ou de propagande pour s’en réapproprier les codes et les transcender, cette bravade remplie d’espièglerie constitue un véritable prétexte pour s’interroger sur le sens des images et le statut du regard.
La trame épistolaire du film déclamée par un voyageur-observateur – qui aurait pris pour stylo sa caméra afin de rédiger ses missives – relève du pur génie. Dans un ton ludique à la subjectivité complètement décomplexée, le film se construit à même les sinuosités de l’esprit du cinéaste. Marker, conducteur débridé et virtuose sur l’autoroute des images et des sons ayant pour seuls garde-fous les remparts de son imagination, nous offre sa vision éclatée d'une Sibérie à mi-chemin entre tradition et modernité.
Marker n’a rien à faire ici de la « neutralité des faits ». Il la remplace volontiers par les élans poétiques des digressions que ce mystérieux territoire et ses habitant·e·s lui inspirent, comme en témoignent les multiples apartés empruntés à différents régimes d’images qui ponctuent le film : capsules animées, vignettes photographiques, actualités imaginaires, faux entractes publicitaires… Sans oublier un très célèbre exercice de style (dont Raymond Queneau ne serait pas peu fier) qui s’attarde à commenter successivement, avec trois intentions bien différentes, une même série d’images captées dans la capitale de Yakoutsk.
Mais derrière ce brillant terrain de jeu dans lequel Marker s’amuse en réelle connivence avec le spectateur, c’est à une profonde réflexion sur la polysémie des images qu’il nous invite. Car les images ne sont jamais banales ni inoffensives, et il est toujours bon de se le rappeler.
Jason Burnham
Assistant à la programmation de Tënk
À l'origine un film de commande initié par l'association France-U.R.S.S., *Lettre de Sibérie* n’en demeure pas moins une œuvre parfaitement markerienne. Tournant en dérision les films institutionnels ou de propagande pour s’en réapproprier les codes et les transcender, cette bravade remplie d’espièglerie constitue un véritable prétexte pour s’interroger sur le sens des images et le statut du regard.
La trame épistolaire du film déclamée par un voyageur-observateur – qui aurait pris pour stylo sa caméra afin de rédiger ses missives – relève du pur génie. Dans un ton ludique à la subjectivité complètement décomplexée, le film se construit à même les sinuosités de l’esprit du cinéaste. Marker, conducteur débridé et virtuose sur l’autoroute des images et des sons ayant pour seuls garde-fous les remparts de son imagination, nous offre sa vision éclatée d'une Sibérie à mi-chemin entre tradition et modernité.
Marker n’a rien à faire ici de la « neutralité des faits ». Il la remplace volontiers par les élans poétiques des digressions que ce mystérieux territoire et ses habitant·e·s lui inspirent, comme en témoignent les multiples apartés empruntés à différents régimes d’images qui ponctuent le film : capsules animées, vignettes photographiques, actualités imaginaires, faux entractes publicitaires… Sans oublier un très célèbre exercice de style (dont Raymond Queneau ne serait pas peu fier) qui s’attarde à commenter successivement, avec trois intentions bien différentes, une même série d’images captées dans la capitale de Yakoutsk.
Mais derrière ce brillant terrain de jeu dans lequel Marker s’amuse en réelle connivence avec le spectateur, c’est à une profonde réflexion sur la polysémie des images qu’il nous invite. Car les images ne sont jamais banales ni inoffensives, et il est toujours bon de se le rappeler.
Jason Burnham
Assistant à la programmation de Tënk
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