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Cadavre exquis (5 + 1) · L’art du cinéma scientifique

Cadavre exquis (5 + 1) · L’art du cinéma scientifique

Ce programme, réalisé dans le cadre du projet Cadavre exquis, propose cinq films scientifiques issus de la collection de films en 16 mm de l’Université de Montréal récemment numérisés par le Laboratoire CinéMédias, avec la collaboration de Louis Pelletier et Liam Schell. S’ajoute également un film expérimental de Michaela Grill et Roger Tellier-Craig, créé à partir d’images et de sons issus de six films de la collection.
 

Les cinq films rassemblés dans cette escale consacrée à l’art du cinéma scientifique sont de natures diverses : un film d’animation par ordinateur réalisé par l’équipe du Centre de calcul de l’Université de Montréal (Jekyllum), une exploration des propriétés chimiques du cyclohexane (La stéréochimie dynamique), une étude microcinématographique se penchant sur la formation de la cellule LE (Formation de la cellule LE), une expérience en vue subjective de la phobie d’impulsion (Phobie d’impulsion) ou encore une oeuvre en couleur de 1953, conçue par le père Venance, pionnier du cinéma scientifique au Québec, nous invitant à découvrir « les sources de la vie » (Aux sources de la vie). Ces œuvres ont en commun le fait d’avoir été produites par un service de recherche, un laboratoire ou une compagnie pharmaceutique, dans un horizon d’éducation, de divulgation scientifique, de promotion d’une nouvelle technique, d’un nouveau savoir ou d’une technologie innovante.

Ces œuvres pédagogiques, « platement » utilitaires – en apparence désuètes, surannées, peut-être obsolètes sur le plan de la science – racontent une autre histoire du cinéma, parallèle, marginale, mésestimée. Elles représentent pourtant des millions de kilomètres de pellicules imprimées au fil du temps, négligées par la plupart des institutions qui ont à charge la préservation de la « mémoire du cinéma », reléguées aux étagères des collectionneurs, dans les recoins d’archives qui les ont héritées sans toujours bien savoir quoi en faire (sans parler de tout ce qui a été élagué, détruit, brûlé). Ce cinéma, inclassable et étonnant, a pourtant fait l’objet d’une dévotion particulière de la part d’artistes (on pense à l’amour des surréalistes pour le cinéma de Painlevé, aux remontages fabuleux de Bruce Conner, Abigail Child, Gustav Deutsch, Bill Morrison), de chercheur·euse·s-collectionneur·euse·s passionné·e·s (on pense au travail de Rick Prelinger, Skip Elsheimer, Dan Streible), et, depuis plusieurs années, a donné lieu à un réel engouement de la part de chercheur·euse·s universitaires, d’historien·ne·s de la culture et des sciences, d’institutions muséales, etc.

Ces films ont aussi ceci en partage de faire partie de la collection de plus de 1 200 films en 16 mm de l’Université de Montréal, aujourd’hui encore accessible au Centre de conservation Lionel-Groulx des Bibliothèques de lettres et des sciences humaines ou encore à la Direction des archives et de la gestion des informations (DAGI). C’est afin de valoriser ces fonds et ces collections, de leur donner une visibilité plus large auprès de la communauté de chercheur·euse·s, de personnes curieuses, de cinéphiles, mais, aussi, afin de voir comment ils pouvaient être activés par des cinéastes, des musicien·ne·s, des écrivain·e·s, etc. que la revue électronique Hors champ a décidé, à l’été 2021, de lancer le projet Cadavre exquis : ouvroir de cinéma potentiel. En collaboration avec le partenariat CinEXmédia et le Laboratoire CinéMédias de l’Université de Montréal, Cadavre exquis a permis depuis de numériser une centaine de films de cette collection, de créer des dizaines d’événements, des performances, des cycles de conférences-projections, et la création d’un site Web, bientôt en accès libre.

Ce projet nous aura permis de faire la rencontre d’œuvres stupéfiantes, comme celle du cinéaste français Éric Duvivier (auteur de près de 700 films entre 1950 et 1990); de participer à la redécouverte d’un pionnier oublié du cinéma au Québec, le père Venance, un capucin et biologiste, contemporain du frère Marie-Victorin; de mener des recherches approfondies sur l’histoire du Centre audio-visuel de l’Université de Montréal; de découvrir les travaux avant-gardistes d’animation par ordinateur réalisés au début des années 1970 au Centre de calcul de l’UdeM; de travailler avec des spécialistes du sommeil, du bégaiement, de la vie monastique, etc. Il a été aussi l’occasion, depuis 2021, de collaborations fructueuses avec des artistes locaux (le Quatuor Bozzini, Anne-F Jacques, Samy Benammar), et tout récemment, Roger Tellier-Craig et Michaela Grill, qui ont retravaillé et remonté les sons et les images de plusieurs films de la collection dans le court métrage, Délire atta, inclus dans ce programme. 

Cette escale de programmation se veut donc une vitrine sur le cinéma scientifique et éducatif et sur le projet Cadavre exquis. Ce dernier veut aussi, pour terminer, offrir une illustration éloquente de la phrase d’André Bazin : « C’est à l'extrême pointe de la recherche intéressée, utilitaire, dans la proscription la plus absolue des intentions esthétiques comme telles, que la beauté cinématographique se développe par surcroît comme une grâce surnaturelle » (Bazin, 1947).

 

 

André Habib
Professeur titulaire · Université de Montréal
Département d'histoire de l'art, de cinéma et de médias audiovisuels
et Directeur de la revue Hors champ

 

 

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